41 es journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire

Cancer du sein, des risques en mutation

Publié le 17/01/2020
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Recul de l’âge de la maternité, augmentation de l’obésité, etc. : de nombreux facteurs de risque de cancer du sein sont en expansion. S’y ajoutent de nouveaux risques environnementaux comme les perturbateurs endocriniens ou la pollution de l'air fortement suspectés de jouer un rôle. Avec, à la clé, un impact attendu sur l’incidence des cancers.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

De l’irruption de l’intelligence artificielle dans le dépistage aux promesses des biopsies liquides, les 41es journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (Marseille, 6-8 novembre) étaient consacrées cette année au « big bang » que connaît actuellement le cancer du sein. L’occasion de revenir également sur les mutations des facteurs de risque qui prédisposent à ce type de tumeurs.

En France comme dans la plupart des pays, l’incidence du cancer du sein augmente régulièrement (tandis que la mortalité diminue). Une hausse à laquelle participent des facteurs multiples : génétiques, hormonaux, comportementaux ou encore environnementaux. Pris isolément, ces facteurs de risque ont un effet modéré, aussi faut-il considérer leur évolution dans son ensemble. Au cours des dernières décennies, l’âge au premier enfant, l’obésité et le nombre de nullipares ont augmenté, tandis que l’âge de la puberté et l’allaitement ont diminué. Des évolutions dont on peut supposer qu’elles impactent l’incidence des cancers du sein sans qu’on sache exactement à quel rythme et pour quelle durée.

Si certains facteurs ne sont pas modifiables, une enquête commanditée par l’INCA a évalué la fraction de cancers attribuables à des facteurs comportementaux ou environnementaux. « Elle révèle que 40 % des cancers du sein en France seraient liés à des facteurs évitables, au premier rang desquels l’alcool (fraction attribuable de 15 %), puis le surpoids et l’obésité (8,4 %), ainsi que le tabagisme (4,4 %) et l’alimentation (4,3 %), suivis des causes hormonales ou d’un allaitement maternel insuffisant (3 % chacun), du manque d’activité physique, etc. Il ne faut pas prendre ces chiffres comme un décompte précis mais s’intéresser plutôt à leur hiérarchisation afin de mieux orienter la prévention », prévient le Dr Isabelle Soerjomataram (Centre international de recherche sur le cancer, Lyon).

Travail de nuit, solvants et pollution de l’air

De nouveaux facteurs de risque associés à notre mode de vie auraient aussi un rôle, comme l’a expliqué le Pr Béatrice Fervers (Centre Léon Bérard, Lyon).

Le travail de nuit ou posté est classé comme probablement cancérogène pour le cancer du sein avec une association positive corrélée à la durée du travail et à sa précocité, selon la cohorte de la Nurses’Health Study et une étude cas témoin. D’après une étude anglaise, 2 à 5 % des cancers du sein pourraient lui être attribués. Mais il existe un biais, dans la mesure où ce type de travail expose souvent à des cancérogènes comme les produits chimiques professionnels. Le rôle carcinologique serait lié à l’altération du cycle lumière/obscurité, qui aurait un impact sur l’immunosuppression, l’inflammation chronique, la prolifération cellulaire, le métabolisme glucidique dans les cellules tumorales et peut-être sur l’homéostasie œstrogénique.

Les solvants type dichlorométhane utilisés dans les laboratoires ou l’industrie alimentaire sont classés cancérogènes probables. Les données épidémiologiques sont hétérogènes vis-à-vis du cancer du sein mais des études récentes suggèrent une corrélation en fonction de la durée d’exposition et de sa précocité.

La pollution de l’air a un effet cancérogène certain. En ce qui concerne le cancer du sein, la méthodologie des études est trop hétérogène pour faire une conclusion formelle mais elles suggèrent une association. Une exposition importante aux hydrocarbures aromatiques polycycliques tôt dans la vie pourrait s’associer à des tumeurs mammaires en période pré-ménopausique. La cohorte française E3N suggère aussi un sur-risque de cancer du sein chez les femmes nées en milieu urbain.

Parmi les perturbateurs endocriniens, plusieurs interviennent sur les caractéristiques pronostiques du cancer. Trois PCB (polychlorobiphényles) multiplieraient le risque de cancer du sein par trois. Enfin, il existe une corrélation entre une exposition élevée au cadmium et le risque de cancer du sein.

« Pour nombre de facteurs de risque, on est limité par les expositions à faible dose qui demanderaient des études sur de très larges populations, mais aussi par les interactions entre les cancérogènes avec les gènes et entre eux », remarque l’oncologue. « Nous devons aussi identifier des fenêtres critiques d’expositions, avec pour certains de ces facteurs des effets transgénérationnels sur le modèle du Distilbène ».

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr