Malgré les nombreux appels des soignants et des autorités sanitaires à consulter et à ne négliger ni le suivi, ni la prise en charge des maladies chroniques, il semble que pour certaines disciplines, l'activité n'ait pas encore vraiment repris un rythme « normal » depuis le déconfinement. Cela semble particulièrement s'observer en cancérologie.
Après deux mois de confinement, le retard accumulé serait en effet important : selon des chiffres de l'Assurance maladie cités par l'AFP, pour le cancer colorectal, « plusieurs centaines de milliers de tests » de dépistage, 182 000 endoscopies et 15 000 interventions chirurgicales ont manqué à l'appel entre mi-mars et mi-juin.
Alors depuis le déconfinement, a-t-on rattrapé ce retard ? Les ablations de tumeurs annulées pendant deux mois ont été rattrapées « assez rapidement », au prix de « programmes assez chargés en juin et juillet », explique à l'AFP le Dr Thierry Bensignor chirurgien digestif spécialisé en oncologie à l'hôpital de la Croix-Saint-Simon (Paris). En revanche, l'interruption des endoscopies fait peser un risque de complications, bien qu'il soit « difficile de quantifier la perte de chance », indique le chirurgien. Bien que les blocs ne tournent toujours pas à 100%, « le retour à la normale se fait progressivement » et « on remplit nos vacations comme en janvier », ajoute-t-il. L'approvisionnement en médicaments anesthésiques, sous tension avant l'été, n'est pas une contrainte aujourd'hui.
Des consultations coupe-file
Malgré des plannings « remplis trois ou quatre semaines à l'avance », le Dr Olivier Dubreuil, gastroentérologue spécialisé on oncologie dans ce même hôpital, propose des consultations en urgence pour les patients envoyés par des correspondants des environs. Ce coupe-file est destiné à gagner un temps dans le diagnostic, et la prise en charge.
Conçu avant le Covid-19, ce dispositif « a vocation à se pérenniser », estime le praticien, même si le démarrage est encore timide: « un patient par semaine en moyenne » jusqu'à présent. Même si les patients n'ont « plus du tout d'appréhension » et « consultent beaucoup plus » leurs médecins, « pour le moment, on vide l'océan à la petite cuillère », explique le Dr Dubreuil.
Arrêter de culpabiliser les patients
Du côté des patients, certaines situations restent encore aujourd'hui très mal vécues, et une communication parfois malhabile n'a rien arrangé. « Il faut arrêter de culpabiliser davantage les patients ! Pour beaucoup, la réalité a été particulièrement difficile. Même si certains malades n'ont pas souhaité se rendre en milieu hospitalier par crainte d'être contaminés par le virus, c'est surtout la situation inverse qui s'est produite, à savoir des services hospitaliers qui ne voulaient ou ne pouvaient pas accueillir de patients », explique Catherine Chayenko-Cerisey, patiente enseignante, ancienne bloggeuse, interviewée par Le Généraliste.
La grande majorité des soins ayant été arrêtée durant le confinement, il y a eu un retard de prise en charge : les dépistages organisés stoppés, des explorations, comme des biopsies retardées, etc. « Le HCSP avait recommandé aux Centres de lutte contre le cancer de rester des sanctuaires sans prise en charge spécifique Covid. Ce qui n'a pas été toujours le cas. Résultat, des soignants se sont retrouvés dans des situations compliquées d'un point de vue éthique : à prendre en réanimation des patients Covid qui avaient malheureusement assez peu de chance de survivre, et délaisser des patients souffrant de cancers avec des chances de survie beaucoup plus importantes à condition d'entreprendre les traitements nécessaires à temps... » Et quand la situation sur le front du Covid s'est améliorée, des patients ont dû souvent batailler pour avoir un examen, bénéficier de soins, etc.
Alors aujourd'hui, où en est-on ? Pour cette patiente très présente sur les réseaux sociaux, ces défauts de prise en charge risquent d'engendrer l'arrivée d'une sorte de deuxième vague de patients souffrant de cancers dont on connaît mal l'ampleur. Par ailleurs, dans certains domaines, les soins n'ont pas encore vraiment repris un rythme normal, d'après Catherine Chayenko-Cerisey : « Ainsi, en matière de reconstruction mammaire, des chirurgiens et des patientes m'ont rapporté qu'actuellement des DIEP (intervention particulièrement lourde et longue pouvant nécessiter des soins de réanimation) ne sont pas réalisées, par manque de temps et de disponibilité. »
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