La pilule ne passe décidément pas. Un décret paru au Journal officiel le 5 juin dernier élargit les compétences des sages-femmes à la pratique des IVG médicamenteuses. Ce texte, pris en application de la loi de santé, leur permet également de prescrire un arrêt de travail de 4 jours à la suite d’une IVG, renouvelable une fois. Loin d’être passée inaperçue du côté des gynécologues, la disposition suscite une véritable polémique.
Une dissimulation de la situation de la profession
« Tout arrêt de travail relève d’une situation pathologique et (…) toute situation pathologique relève d’une prise en charge médicale par un médecin », fait observer le Syngof. Pour le syndicat de gynécologues, la disposition initiée par Marisol Touraine tend, en réalité, à « masquer la carence organisée des gynécologues » alors même que « les interruptions médicamenteuses de grossesse ne sont pas sans risque de morbidité, voire de mortalité, et qu’en cas de complication l’intervention d’un médecin est obligatoire ». Et Bertrand de Rochambeau, président du Syngof, de voir ce décret comme « les prémices d’une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l’a jamais apprise, avec les risques que cela comporte pour les patientes ».
Pas d'arrêt de travail au nom de l'égalité
Mais, au sein de la profession, cette délégation de tâches n’est pas le seul élément à susciter des remous. La prescription, en tant que telle, d’arrêt de travail a elle aussi fait l’objet de vifs échanges… « Je n’ai jamais prescrit 4 à 8 jours d’arrêt de travail pour une ivg médicale », s’insurge Élisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syngof. Dans un commentaire sur la page Facebook du syndicat, la gynécologue de Tours remet tout bonnement en question la possibilité de prescrire un arrêt. Car, « soit il y a une complication et la patiente a du être vue aux urgences pour hémorragie et l’arrêt de travail est prescrit pour complications », explique la praticienne. « Soit tout se passe bien et on propose à la patiente de choisir le jour de l’expulsion un jour férié (...) ou de poser un jour de congé », poursuit-elle, « cela lui évite de donner un arrêt de travail à son employeur et de craindre de devoir s’expliquer avec ses collègues ». Une position que cette gynécologue défend au nom de l’égalité : « si on considère que la femme est l’égale de l’homme au sein du travail et qu’elle puisse enfin être payée comme l’homme et avec égalité ». Avant de conclure que, pour y parvenir, « il faut que les professionnels de santé évitent les arrêts de travail injustifiés à leurs patientes ».
Cette prise de position n’a pas manqué de faire réagir la toile. « Ce n’est pas aux médecins de définir a priori ce qu’un AT pour IVG doit être », souligne Martin Winckler pour qui le message d’Élisabeth Paganelli « montre que beaucoup de gynécologues français.e.s. n’ont pas pour mission de soigner ou d’assister des femmes, mais d’appliquer des valeurs et des normes qui n’ont rien à voir avec la vie et les besoins des citoyen.ne.s ». Quant à l’argument fondé sur l’égalité, l’écrivain et médecin l’écarte sans autre considération : « ce qu’on accorde aux hommes qui ont un lumbago ou une colique néphrétique (de dire s’ils se sentent capables ou non de retourner au boulot), les femmes y ont droit elles aussi ».
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