Le bactériologiste qui se rendit fameux pour avoir découvert le bacille de la peste est né en Suisse, à Aubonne dans le canton de Vaud où son père était intendant des poudres de la Suisse romande mais aussi professeur d’histoire naturelle dans le collège de la ville.
Après avoir entamé des études de médecine à Lausanne, puis à Marburg, en Allemagne, Yersin se rend à Paris pour étudier à l’Hôtel-Dieu où le hasard lui fait rencontrer Émile Roux. Celui-ci lui trouve une place dans le laboratoire de Louis Pasteur et Yersin participe ainsi aux séances de vaccination contre la rage. L’année suivante, toujours en collaboration avec Émile Roux, le jeune médecin vaudois découvre la toxine diphtérique.
Une thèse sur la tuberculose expérimentale
Après avoir été reçu à l’externat des hôpitaux de Paris en 1887, Yersin soutient sa thèse l’année suivante. Cette « Étude sur le développement de la tuberculose expérimentale » lui vaut une médaille de bronze de la Faculté de médecine de Paris. Après avoir enrichi ses connaissances en bactériologie à Berlin auprès de Robert Koch, Yersin est engagé à son retour dans la capitale française comme préparateur du premier cours de microbiologie de l’Institut Pasteur, obtenant dans la foulée sa naturalisation française.
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Départ en Indochine
Puis, en 1890, Yersin qui a des envies d’horizons lointains après des mois passés à l’institut Pasteur à se consacrer à la diphtérie et à la tuberculose, est engagé comme médecin des Messageries maritimes sur des bateaux effectuant la liaison Saïgon-Manille. À peine arrivé en Indochine, Yersin va tomber amoureux fou du pays qu’il va parcourir de fond en comble au cours de trois expéditions qui l’emmènent dans une jungle hostile et encore inexplorée. Ainsi, en 1892, envoyé officiellement explorer l’Annam, il se révèle être aussi un géographe de grand talent, réalisant les premières cartes de la région qu’il va présenter à son retour en France à la fin de la même année. Ses travaux lui valent de nombreux éloges, dont ceux de Louis Pasteur lui-même. Il est presque aussitôt mandaté par le ministère de l’instruction publique pour une mission en Cochinchine pour y cartographier les forêts et les rivières. Au cours des sept mois que dure l’expédition, Yersin ne va pas se contenter de faire des relevés topographiques mais il va aussi étudier, en véritable anthropologue, les populations des hauts plateaux, les Moïs, dont il va étudier de près les coutumes et les mœurs, écrivant ainsi : « Quoique formant pour ainsi dire une seule et même famille, les Moïs n’ont aucune espèce d’unité politique. Non seulement il n’y a pas de chef de tribu mais on peut même dire qu’il n’y a pas de chef de village. »
[[asset:image:7621 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]En 1894, le médecin franco-suisse se lance dans l'élevage de chevaux et de bovins pour la production de ses sérums. Parallèlement, il importe du Brésil de l’Hévéa qu’il cultive et acclimate. Il peut ainsi fournir la firme Michelin en caoutchouc. Ces récoltes de latex lui permettent aussi de financer ses recherches médicales qu’il n’a jamais abandonnées. Sur les conseils de Calmettes, il est, en effet, membre, depuis 1892, du corps de santé colonial avec le statut de médecin de 2e classe.
Découverte du bacille de la peste
Arrive l’année 1894 où une épidémie de peste qui sévissait jusque-là en Mongolie atteint les côtes sud de la Chine et plus particulièrement Hong Kong. Le gouvernement français et l’Institut Pasteur demandent alors à Yersin d’étudier la nature de l’épidémie.
Arrivé à Hong Kong, Yersin découvre une ville fantôme et des rues désertées de leurs habitants. Installant un laboratoire de fortune dans une cabane de bambou dans les jardins de l’hôpital de Hong Kong, avec un matériel précaire qu’il a emprunté au laboratoire de microbiologie de l’hôpital de Saïgon, Yersin commence ses recherches. Dans le même temps, une équipe de chercheurs japonais dirigée par Shibasaburo Kitasato investigue elle aussi, sur la nature de la maladie. Pour effectuer leurs travaux, Yersin comme les Japonais ont besoin de cadavres de pestiférés afin de les autopsier. Yersin va vite se rendre compte que l’État anglais qui régit alors Hong Kong délivre plus d’autorisations d’autopsie aux savants nippons qu’à lui-même, ceux-ci ayant vraisemblablement soudoyé les autorités britanniques…
Néanmoins, c’est à Yersin que revient le 19 juin 1894 la satisfaction d’isoler un microbe inconnu sur des cadavres de soldats anglais alors en garnison à Hong Kong, lequel microbe se révéla être le bacille de la peste bubonique. Peu après, il arriva à communiquer la maladie à des souris et à des cochons d'Inde. Le fait que le groupe ne disposât pas d'un incubateur, à la différence de Kitasato, et qu'il eut à faire ses cultures bactériennes à la température de l'air ambiant fut en réalité une circonstance favorable car, dans des conditions de laboratoire, Yersinia pestis se développe mieux à des températures plus basses que celle du corps humain. Avec des moyens dérisoires, Yersin aura donc réussi en trois semaines à isoler le bacille de la peste…
[[asset:image:7626 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Dans un premier temps, Yersin, beau joueur, partagea l’honneur de sa découverte avec Kitasato en parlant du bacille Kitasato-Yersin. Mais, gentleman lui aussi, Kitasato qui, pour sa part, n’a découvert qu’un streptocoque pendant que Yersin isolait le microbe responsable de la peste, insistera en 1899 pour qu’on ne parle plus désormais que du bacille de Yersin, laissant au savant français tous les mérites de la découverte.
Mais bien qu’ayant réussi à isoler ce microbe responsable de millions de morts au fil des siècles, Yersin ne parviendra jamais à résoudre le problème de la transmission de la maladie du rat à l’homme. Ce sera, en 1898, Paul-Louis Simond qui établira avec certitude à Karachi que c’est la puce qui transmet le bacille par sa piqûre.
Un héros pour les Indochinois
Yersin, après sa découverte continuera de vivre en Indochine où la population locale le considérait comme un héros. Le médecin franco-suisse est mort le 28 février 1943 dans sa maison de Nha Trang. Son catafalque fut suivi par une foule immense qui vénérait cet exemple de dévouement qui soignait gratuitement les plus démunis. Il était surnommé Ong Nam ou Monsieur Nam, c’est-à-dire « Monsieur Cinq » en raison des cinq galons qu’il portait sur son uniforme de médecin-colonel du service de santé colonial, grade qu’il avait obtenu en 1913.
Son corps est inhumé sur une petite colline de laquelle il pouvait contempler de son vivant la montagne où il avait réussi à faire pousser l’arbre à quinine dont il avait commencé la plantation en 1915 pour lutter contre le paludisme.
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