« Les professionnels de santé ne jouent pas assez leur rôle dans le repérage et le signalement de la maltraitance chez l’enfant. » Alors que la Haute Autorité de santé vient de publier de premières recommandations dédiées à la maltraitance de l’enfant, le Pr Jean-Luc Harrousseau, (président de la HAS) incite les médecins à s’impliquer davantage dans la prévention de ces drames.
Déni de l’ampleur du problème, crainte d’un signalement abusif, peur de détruire une famille qu’ils connaissent, spectre des poursuites judiciaires, manque de confiance dans les services sociaux, mais aussi déficit de formation médicale : les raisons de ce désinvestissement sont multiples. S’y ajoute la fréquente absence de retour d’informations sur les suites données au signalement. Et, au final, « 2 à 5 % seulement des signalements de maltraitance infantile émanent des professionnels de santé », déplore le Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS.
La maltraitance, un phénomène fréquent
En 2006, 98 000 cas d’enfants et de jeunes de moins de 21 ans « en danger » ont été recensés en France. Mais « la maltraitance de l’enfant est peut-être dix fois plus fréquente que ce que l’on repère. C’est un drame de l’ombre qui touche toutes les classes sociales, des plus modestes aux plus favorisées. En France, deux enfants par jour, peut-être, meurent sous les coups d’un adulte », relève le Dr Grouchka. S’ils survivent, les enfants maltraités voient leur santé physique et mentale compromise à long terme. Leur risque ultérieur de troubles du comportement alimentaire serait multiplié par dix, de toxicomanie par trois, d’addiction à l’alcool par deux, de dépression par trois…
Des signes non spécifiques
Dans ce contexte, la HAS propose de nouveaux outils pour aider les professionnels de santé à mieux repérer les situations à risque et agir le cas échéant.
« Le facteur de risque essentiel est la prématurité, indique le Dr Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste à l’Inserm et présidente du groupe de travail de la HAS sur ce sujet. « Ces nouveau-nés peuvent être vécus comme une blessure narcissique. Le lien d’attachement avec les parents est alors plus difficile ». Chez les parents, tout événement qui peut rendre difficile l’attachement précoce avec le nouveau-né est un facteur de risque : dépression du post-partum, antécédents personnels de violences subies dans l’enfance, violences conjugales, addictions, isolement social et surtout moral…
Par ailleurs, au-delà de brûlures, fractures ou ecchymoses caractéristiques, les professionnels doivent s’interroger face à des signes non spécifiques tels une modification du comportement habituel de l’enfant, certaines attitudes des parents, qui parlent à la place de l’enfant ou au contraire l’ignorent. « L’observation d’un enfant triste et craintif, ou agressif et agité, doit inciter le médecin à creuser pour essayer de comprendre l’origine de ces troubles. »
« Une incohérence totale entre le discours des parents et les lésions de l’enfant est un signe d’appel important », poursuit la pédiatre. Par exemple, « un gros traumatisme crânien avec des fractures de la base du crâne et des dégâts cérébraux-méningés ne peut en aucun cas être dû à une chute de table à langer ! »
Signaler et passer la main au plus vite
Qu’il suspecte un risque de maltraitance ou qu’il soit face à un enfant en danger immédiat, le médecin doit réagir. « Protéger l’enfant est un acte médical et une obligation légale », insiste le Dr Grouchka. Cet impératif de protection est permis par la levée du secret médical. « Le médecin est à l'abri de toute poursuite pénale pour violation du secret médical. En revanche, s’il n’a pas signalé un cas de maltraitance qu’il aurait dû signaler, il s’expose à de très lourdes peines », souligne Anne Tursz.
En cas d’urgence vitale ou de risque important, le médecin doit alerter le procureur de la République – via le Tribunal de grande instance – et faire immédiatement hospitaliser l’enfant. En cas de doute, il doit se faire conseiller par d’autres professionnels de santé ou de la protection de l’enfance. Ces situations non urgentes doivent faire l’objet d’une « information préoccupante » (IP) auprès de la Cellule départementale de recueil d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP) du département. Cette alerte permet la mise en place d’actions de protection et d’aide.
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