Des chercheurs français issus du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM) ont découvert par screening que le nifuroxazide, un antibiotique indiqué pour les infections intestinales, était capable de tuer les cellules souches cancéreuses dans le cancer du sein. Une stratégie d’intérêt pour limiter la progression des tumeurs.
L’équipe de la Pr Emmanuelle Charafe-Jauffret et de Christophe Ginestier a montré que le nifuroxazide était capable d’induire un déficit de recombinaison homologue (HDR), ce qui empêche les cellules tumorales de réparer les lésions de leur ADN et les conduit à la mort cellulaire.
Fort de cette propriété, le nifuroxazide serait capable de (re)sensibiliser les cancers du sein présentant une résistance innée ou acquise aux inhibiteurs de PARP (PARPi), mais aussi de permettre d’étendre et améliorer l’usage des PARPi. « Nos résultats suggèrent que le nifuroxazide pourrait être utile, en combinaison avec les PARPi, pour le traitement des cancers du sein, quel que soit le statut HDR initial », commentent pour Le Quotidien les auteurs de cette étude parue dans Nature Communications.
Comment le nifuroxazide altère l’ADN des cellules souches tumorales
Découvertes dans le cancer du sein au début des années 2000, les cellules souches cancéreuses (CSC) ont été associées au développement du cancer et à l'échec thérapeutique, présentant des caractéristiques plus agressives, plus invasives et plus résistantes que les autres types cellulaires. « Depuis leur découverte, nous étudions leurs caractéristiques et leurs fonctions, explique Christophe Ginestier, codirecteur de l’équipe de recherche. Aujourd’hui, nous souhaitons identifier un médicament qui pourrait les cibler spécifiquement. » Les stratégies thérapeutiques ciblant les CSC ont échoué jusque-là du fait d’un manque de spécificité ou encore des processus d’échappement cellulaire.
Pour ce travail, l’équipe a opté pour une stratégie de repositionnement en screenant un peu plus de 1 500 médicaments ayant tous une autorisation de mise sur le marché. « Le nifuroxazide est particulièrement intéressant car il est bioactivé par une enzyme surexprimée par les CSC, l’ALDH1A1 », complète le directeur de recherche Inserm. Cependant, le nifuroxazide n’est pas le premier antibiotique ayant montré une activité anti-CSC. « En 2009, l’équipe du Pr Robert Weinberg a identifié la salinomycine comme inhibiteur des CSC », précise le chercheur. L’activité anti-CSC du nifuroxazide repose sur deux mécanismes : « Il provoque des lésions de l’ADN tumoral après activation par l’ALDH1A1 et empêche ensuite la réparation des lésions en inhibant une voie de transcription permettant la recombinaison homologue », explique Christophe Ginestier.
Une fenêtre pour étendre les indications des PARPi
Le statut HRD caractérise des cancers présentant un déficit de réparation de l’ADN par recombinaison homologue, sachant que ce type de réparation de l’ADN dépend de plusieurs systèmes, notamment les systèmes complémentaires BRCA et PARP. En cas de mutation BRCA 1/2, qui est l’une des causes principales d’HRD, les cellules tumorales activent alors le système PARP pour se réparer. C’est ainsi qu’en thérapeutique, les PARPi, en empêchant la cellule tumorale BRCA mutée de réparer les erreurs de son ADN, la pousse à l’apoptose : la létalité est due à l’effet synergique de la perte de fonction BRCA et l’inhibition de PARP.
Ainsi, l’activité du nifuroxazide renforçant le déficit de recombinaison homologue dans les CSC, il pourrait induire une létalité synthétique dans les cancers du sein traités par PARPi même non BRCA muté. « Le nifuroxazide permet de mettre les cellules dans le même état que dans des cancers BRCA mutés et de les rendre sensibles aux PARPi », ajoute la Pr Emmanuelle Charafe-Jauffret. « Ceci impliquerait que des cancers qui n’auraient pas été éligibles aux PARPi pourraient l’être avec l’association du nifuroxazide. Cependant, des essais cliniques seront nécessaires pour savoir s’il existerait un bénéfice des PARPi dans des cancers non BRCA. » Si tout cela est avéré, « ces découvertes permettraient d’étendre l’indication des PARPi et, plus largement, d’améliorer ces thérapies qui présentent tout de même une certaine toxicité », poursuit la chercheuse et pathologiste.
« Le fait de mettre les cellules dans des états BRCA like, donc déficients en recombinaison homologue, est un axe important de recherche », commente Christophe Ginestier. « Et de manière générale, la tendance est à trouver des thérapeutiques qui permettent d’étendre les indications ou de diminuer les doses et les effets secondaires de médicaments déjà efficaces », conclut la Pr Charafe-Jauffret.
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