Pesticides : l’Anses alerte sur les risques pour l’enfant d’une exposition prénatale

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Publié le 24/04/2025
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L’Anses alerte sur les risques d’une exposition aux pyréthrinoïdes pendant la grossesse pour le neurodéveloppement de l’enfant à un an. L’agence sanitaire insiste sur l’importance d’une surveillance à long terme des phytosanitaires.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les craintes sur l’exposition prénatale aux pesticides se renforcent. Dans une analyse publiée ce 23 avril 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pointe les risques des pesticides pour la santé humaine d’une exposition professionnelle ou domestique aux phytopharmaceutiques, avec un point de préoccupation principal pour les pyréthrinoïdes sur le neurodéveloppement de l’enfant à un an après exposition pendant la grossesse.

Dans son rapport basé sur l’expertise Inserm mise à jour en 2021, l’Anses identifie ainsi pour les organophosphorés et les pyréthrinoïdes quatre « alertes » – c’est-à-dire un signal représentant « une menace pour la santé » et nécessitant « une réponse adaptée pour la prévenir » – et dix « signaux validés », qui peuvent nécessiter des mesures de gestion mais avec une urgence moindre qu’une alerte.

Parmi les quatre alertes, deux concernent les enfants : « troubles du comportement de type internalisé chez les enfants en lien avec une exposition prénatale aux pyréthrinoïdes » et « altération des capacités motrices, cognitives et des fonctions sensorielles chez l’enfant en lien avec une exposition prénatale aux organophosphorés ». À la suite de sa veille scientifique, l’Anses consacre tout un document aux effets des pyréthrinoïdes sur le neurodéveloppement des enfants avant l’âge d’un an.

Trois des dix signaux validés touchent également la population pédiatrique : « altération des capacités motrices et cognitives en lien avec une exposition prénatale au malathion » , « comportement évocateur des troubles du spectre autistique chez l’enfant en lien avec une exposition prénatale aux organophosphorés » et « croissance fœtale en lien avec une exposition prénatale aux organophosphorés ».

Un avis qui fait écho à un colloque intitulé « Pesticides, bilan et défis pour une révolution du modèle agricole » à l’Assemblée nationale en mars lors de la semaine pour les alternatives aux pesticides, où scientifiques et médecins ont détaillé les effets connus sur la santé humaine, notamment lors d’une exposition prénatale liée à l’activité professionnelle. Il a été rappelé qu’en 2020, la France était le premier pays au monde à se doter d’un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, pour les adultes exposés dans l’exercice de leur profession mais aussi pour les enfants souffrant de certaines pathologies (leucémie, tumeur cérébrale, hypospadias ou fente palatine, troubles du neurodéveloppement…) lorsque les parents ont été exposés professionnellement aux pesticides pendant la période périconceptionnelle.

Des consultations pédiatriques se montent

Mise à jour en 2021, l’expertise collective Inserm « Pesticides et effets sur la santé », fruit de l’analyse de plus 5 300 documents par un groupe multidisciplinaire, a ainsi consacré une partie aux enfants à travers des mesures par biomonitoring et des études épidémiologiques de cohortes mère-enfant. Les experts ont ainsi mis en évidence des présomptions de lien entre l’exposition (professionnelle et/ou domestique) de la mère pendant la grossesse et des risques pour l’enfant : de développer des leucémies aiguës myéloïdes et des tumeurs du système nerveux central pour les pesticides sans distinction ; de présenter des troubles du comportement de type internalisé (anxiété) spécifiquement pour les pyréthrinoïdes ; et enfin d’altération des capacités motrices, cognitives et sensorielles pour les organophosphorés.

En octobre 2023, une première consultation « Pesticides et pathologies pédiatriques » a ouvert au CHU d’Amiens adossée au centre des pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) des Hauts-de-France. D’autres consultations pédiatriques sont en projet (Rennes, Brest, Nantes, Tours, Montpellier, Bordeaux, Grenoble, Toulouse, Lyon, Saint-Étienne Clermont-Ferrand et en Martinique) soutenues par le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles et environnementales (RNVP3E) qui regroupe tous les CRPPE.

Les besoins sont bien réels comme l’atteste le Dr Sylvain Chamot, responsable de la consultation d’Amiens. « Dans l’intervalle de ces 18 mois, sur 100 questionnaires recueillis, nous avons recommandé 12 déclarations et six familles ont fait réellement la demande. De plus, une amélioration méthodologique ayant accru sensiblement le nombre de questionnaires, laisse présager d’une augmentation des dossiers présentés », précise-t-il.

De multiples métiers concernés

En consultation, les situations sont difficiles au regard de la culpabilité qu’éprouvent les parents face à la maladie de leur enfant. « Il est interpellant d’observer que tous les parents des enfants exposés aux pesticides in utero ne sont pas agriculteurs, souligne le Dr Chamot. Par exemple, sur les 12 dossiers potentiels, deux sont de parents agriculteurs. Pour les autres, la mère exerce le métier d’horticultrice-fleuriste, d’employée de jardinerie, infirmière ou secrétaire et le père travaille dans les espaces verts, en horticulture-fleuriste, dans l’industrie de la transformation alimentaire au poste de laveur de betteraves ».

Si l’usage des organophosphorés est « très limité aujourd’hui en France » et que « les produits à base de malathion ne sont plus autorisés sur le territoire », il n’en est pas de même pour les pyréthrinoïdes, très utilisés « aussi bien pour des usages professionnels agricoles que pour des usages biocides professionnels et amateurs », indique le communiqué de l’agence.

L’Anses insiste sur l’importance d’une évaluation régulière et à long terme des phytopharmaceutiques et d’une utilisation limitée « au strict nécessaire ». L’agriculture biologique en alternative aux pesticides est au centre d’un dispositif vertueux (ordonnance verte) de distribution de paniers de légumes bios aux femmes enceintes.

Sept pathologies dans le viseur chez l’adulte

Troubles cognitifs, lymphomes non hodgkiniens (LNH), leucémies, cancer de la prostate, hypothyroïdies, atteintes spermatiques, sarcomes… L’Anses identifie des signaux forts pour sept pathologies chez l’adulte.

Dans le détail, deux alertes concernent : « les troubles cognitifs chez l’adulte en lien avec une exposition professionnelle aux organophosphorés » et « lymphomes non hodgkiniens (LNH) en lien avec une exposition professionnelle aux organophosphorés, dont le malathion spécifiquement ».

L’Anses retient aussi comme « signaux validés » : le lymphome non hodgkinien (LNH) en lien avec une exposition professionnelle ou domestique aux organophosphorés et seulement professionnelle pour le glyphosate, le 2,4-D, les carbamates et les triazines ; les leucémies en lien avec une exposition professionnelle à la deltaméthrine ou au malathion ; le cancer de la prostate en lien avec une exposition professionnelle au malathion ; hypothyroïdies en lien avec une exposition professionnelle au malathion ; atteintes spermatiques en lien avec une exposition de la population générale aux pyréthrinoïdes et en lien avec une exposition professionnelle aux organophosphorés ; les sarcomes des tissus mous et des viscères en lien avec une exposition professionnelle aux phénoxyherbicides et chlorophénols.


Source : lequotidiendumedecin.fr