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Patrick Pelloux, Amuf : « Le moral des personnels hospitaliers est très faible »

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Publié le 29/10/2020
Samu-Urgences de France et l’Association des médecins urgentistes de France appellent l'ensemble des professionnels de santé à se mobiliser pour aider le système de santé et hospitalier à faire face à la pandémie. Entretien avec Patrick Pelloux, président de l'Amuf.
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les urgentistes parviennent-ils à faire face à la seconde vague ?

Cela ne concerne pas que les urgences, c'est une vraie crise de l'hôpital. Nous sommes juste en train de gérer le nombre de lits de réanimation et de payer les erreurs des politiques de droite comme de gauche depuis trente ans. En fait, le système de santé est géré par une caste avec des gens bien-pensants qui ont réussi à faire passer la problématique économique/efficience/évaluation, toutes ces grandes théories consistant à supprimer 100 000 lits d'hospitalisation. Ces fermetures d'hôpitaux de proximité, le fait de tout concentrer sur les CHU en région ont représenté une bêtise. Avec cette doctrine "On ne fait bien que ce qu'on fait souvent", cette caste a réussi à annihiler la volonté des gens.

Quid de la création de postes de réanimateurs ?

Chaque année ne sont créés que 74 postes de réanimateurs médicaux. C'est vrai que viennent s'y ajouter 450 postes d'anesthésistes réanimateurs. Mais parmi ces derniers, les jeunes médecins formés quittent l'hôpital public pour rejoindre les cliniques là où ils sont bien mieux rémunérés. C'est un mensonge des universitaires d'avoir expliqué aux pouvoirs publics qu'on formait 450 réanimateurs. En fait, cette arrivée de 74 nouveaux réanimateurs médicaux ne suffit même pas à opérer le renouvellement naturel des générations. C'est pourquoi nous avons dû faire venir des professionnels de l'étranger pour faire tourner des réanimations.

Le président Macron a dit mercredi soir lors de son discours qu'on est passé de 5 000 à 6 000 lits et que l'objectif est d'atteindre 10 000 lits...

La problématique actuelle est plutôt que le moral des personnels est très faible. Quand la prime a été distribuée, certains l'ont eu et d'autres pas. Idem pour la médaille lors du 14 juillet. Certes, ce sont des détails, mais cela a contribué à laminer le moral des personnels. C'est pourquoi mercredi 28 octobre nous avons lancé un appel à la mobilisation générale, car nous avons besoin de bras et de dégager du temps d'infirmières et d'aides soignants, par exemple pour faire les lits. Je suis par exemple désespéré de voir que les hôpitaux envoient balader des gens qui téléphonent pour aider. Par ailleurs, qu'attend-on pour rouvrir le Val de Grâce qui se trouve en plein cœur de Paris et qui était un hôpital tactique et stratégique des forces des armées. Car le service de santé des armées a aussi été détruit. Au final, la crise économique, sociale, les attentats (celui de Nice de ce matin) puis maintenant le confinent contribuent à complètement démoraliser aussi bien les soignants que les Français.

Est-ce que le Gouvernement a mal géré le déconfinement ?

Je ne me permettrai pas d'accuser le gouvernement de tous les maux et de le rendre responsable de la dégradation du système de santé des trente dernières années. Il rame dans une situation de crise, il faut qu'on soit solidaire. Toutefois, il faut qu'il nous écoute. Par exemple, alors que nous avons des élus, nous n'avons pas été conviés à l'Amuf à la table des négociations du Ségur de la santé. Ils ne savent pas dialoguer et respecter l'autre. Autre exemple, la cellule de crise de l'AP-HP dirigée par le doyen Rioux a du mépris pour autrui. Alors que je préside la commission d'organisation de la permanence des soins, nous ne sommes pas associés à la gestion de cette cellule. Illustration avec le rapport du général Richard Lizurey dont a parlé le Canard enchaîné d'aujourd'hui et qui montre la guerre que se sont menée les ministères durant la gestion de la crise.

Les pouvoirs publics comme les ARS ont pourtant dit avoir été à l'écoute sur le terrain...

C'est faux. Revenons sur le management à l'hôpital calqué sur celui des années quatre-vingt-dix. Son premier fondement est le harcèlement moral, le deuxième l'humiliation de l'autre. Bref, les directeurs d'hôpitaux ne sont pas fédérateurs. Entre la décision politique du gouvernement qui est responsable et ce qui se passe sur le terrain, la coordination est le chaînon manquant.

Quelles solutions préconisez-vous pour mieux faire face à la crise sanitaire ?

Il faut améliorer la coopération entre la ville, les cliniques privées et l'hôpital et aussi renforcer urgemment la collaboration entre les pompiers et le Samu. Ensuite, il faut faire revenir travailler à l'hôpital le maximum de soignants qui ont arrêté d'y exercer. Pour les attirer, il faudrait leur donner d'ores et déjà des primes et être bienveillant avec eux.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr