S’il semble acquis que la crise sanitaire a fait exploser le mal-être chez les adolescents, qu’en est-il de la santé mentale des enfants plus jeunes ? Alors que jusqu'ici, les données sur cette question n'étaient que parcellaires ou peu représentatives, une première étude nationale publiée ce 20 juin suggère que 13 % des 6-11 ans présenteraient au moins un trouble probable de santé mentale.
Plus de 15 000 enfants sondés
Baptisée « Enabee », cette étude transversale menée par Santé publique France, croise des données collectées en fin d'année scolaire 2021-2022 auprès de 10 000 parents et plus de 15 000 enfants et 15 000 enseignants de près de 400 écoles.
À partir des questionnaires complétés par les différentes populations sondées, l'étude conclut que 5,6 % des enfants de 6-11 ans présenteraient un « trouble émotionnel probable », (soit un trouble anxieux – anxiété de séparation, anxiété généralisée, phobies spécifiques — ou dépressif) ; 6,6 % un « trouble oppositionnel probable » (soit une humeur particulièrement colérique, un comportement querelleur ou provocateur) et 3,2 % un « trouble persistant d'inattention et/ou d'hyperactivité (TDAH) probable ».
Au total, ce serait donc près de 13 % des 6-11 ans qui souffriraient d’un trouble probable de santé mentale. Un taux proche de ceux observés dans d'autres pays en Europe sur la même tranche d'âge. « Nous ne sommes donc pas surpris mais les chiffres sont suffisamment importants pour conduire à s'interroger sur ce sujet, pour lequel nous ne disposions d'aucune donnée jusqu'à présent », a commenté à l'AFP Stéphanie Monnier-Besnard, épidémiologiste et cheffe de projet de l'étude Enabee.
Les données ne mettent pas en évidence de différences selon le niveau scolaire et le secteur ou le type d'école.
Il s'agit d'une « première étape » qui permet d'apporter un « éclairage aux décideurs publics en vue de futures actions de sensibilisation », a précisé Stéphanie Monnier-Besnard. Reconduite régulièrement, l'étude permettra en effet de suivre l'évolution des indicateurs, d’évaluer l'impact d'événements éventuels (infectieux, environnementaux…), d'engager des actions de prévention, etc.
Cette enquête donne « une photo très utile de la situation actuelle », analyse pour sa part le Pr Richard Delorme, chef du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Robert-Debré (AP-HP). « Souvent, on se dit qu'un enfant de moins de 11 ans ne peut pas être déprimé ou que seule une partie de la population est concernée, c'est faux », ajoute-t-il. Ces données « objectives » devraient permettre, espère-t-il, d'initier des politiques de prévention : « un enfant sur dix est concerné, il faut mettre le paquet ». Notamment en direction des parents. Car face à une offre de soins saturée, ils peuvent jouer le rôle de premières vigies en surveillant des indicateurs comme le sommeil ou l'appétit de leurs enfants, préconise le médecin.
Un phénomène aggravé par la crise
L'étude Enabee, menée alors que la crise sanitaire était encore d'actualité, ne permet pas d'estimer un possible impact du Covid-19, en l'absence de données antérieures à la crise spécifiquement sur cette tranche d'âge.
En revanche, une seconde enquête, publiée ce jour par la Drees (Direction statistiques du ministère de la Santé), montre de son côté que la détresse psychologique dont souffre une minorité grandissante d'enfants et d'adolescents a été aggravée par cette crise. Cette étude, tirée du 3e volet de l'enquête Épidémiologie et conditions de vie liées au Covid-19 (EpiCov), enseigne qu'entre mars 2020 et juillet 2021, 12 % des garçons de 3 à 17 ans et 13 % des filles ont consulté un professionnel de santé pour un motif psychologique. Seuls 7 % des garçons et 6 % des filles consultaient déjà auparavant.
En prenant en compte les enfants qui n'ont pas consulté, mais dont les parents estiment qu'ils avaient besoin d'être aidés pour des difficultés psychologiques et que cette aide relevait d'un professionnel de santé, ce sont 15 % des enfants qui auraient eu besoin de soins pour ces raisons, ajoute l'étude. Soit près d'un enfant sur six.
(avec AFP)
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