Le 19 octobre, le Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a publié un avis pour indiquer que l'aspirine n'a pas sa place en prévention primaire pour les patients à risque cardiovasculaire (CV). En reprenant les résultats de 3 grands essais randomisés en double insu comparant 100 mg/j d’aspirine à un placebo, ce Conseil scientifique bannit l’usage de cet anti-agrégant plaquettaire à faible dose chez ces patients « qu’ils soient diabétiques ou pas, quel que soit leur âge, et y compris en cas d’artériopathie asymptomatique des membres inférieurs ».
Retour sur des résultats importants d'études parues en 2018
Même si ces trois grandes études ont été publiées en 2018 (Lancet et New England Journal of Medicine), « nous avons voulu revenir sur les résultats de ces travaux qui n’ont pas été clairement entendus au moment de leur parution, par ailleurs la crise sanitaire qui nous a fortement mobilisés, a eu tendance à faire oublier certaines données importantes dont celles concernant l’usage de l’aspirine en prévention des risques cardio-vasculaires », a expliqué le Pr Olivier Saint-Lary au Généraliste. Le président du CNGE regrette par exemple que des indicateurs de la ROSP portant sur des patients présentant une artériopathie des membres inférieurs, manquent de précision sur l’utilisation des anti-agrégants plaquettaires… en prévention primaire ou secondaire.
Le communiqué du CNGE revient en détail sur ces trois essais randomisés, à commencer par l’étude Arrive qui a suivi pendant 5 ans 12 546 patients : des hommes ≥ 55 ans avec 2 à 4 facteurs de risque CV (FdRCV) et des femmes ≥ 60 ans avec 3 FdRCV sans diabète de type 2 (DT2). « Il n’y a pas eu de différence significative sur le critère de jugement principal d’efficacité comprenant décès CV, infarctus du myocarde (IdM), angor instable, accident vasculaire cérébral (AVC) et transitoire (AIT) : Hazard Ratio (HR) = 0,96 (...), ni sur la mortalité totale », indique le CNGE qui rapporte en revanche une élévation significative des hémorragies.
Dans l’étude Ascend qui a porté sur plus de 15 000 patients DT2 en prévention primaire suivis pendant 7,4 ans, il a été montré « une différence significative en faveur de l’aspirine sur le critère de jugement principal composite (décès CV, IdM, AVC avec ajout des AIT en cours d’essai) : HR = 0,88 (...), sans réduction de la mortalité totale et au prix d’une augmentation significative des hémorragies graves », souligne le Conseil scientifique. Pour le Pr Saint-Lary, cet essai peut être quelque peu contesté d'un point de vue méthodologique, puisque le critère de jugement principal était composite, avec des AIT ajoutés pendant l'essai.
Enfin, l’étude Aspree qui a suivi pendant 4,7 ans près de 20 000 sujets âgés d’au moins 70 ans, indemnes de pathologie CV, il n’a pas été constaté de différence significative sur les évènements CV cliniques. En revanche, là encore, il y a eu une augmentation significative des hémorragies graves (HR = 1,38), ainsi que de la mortalité totale (HR = 1,14).
Un sur-risque annuel d'hémorragie supérieur à 3 pour 1 000
Au total, ces études sont donc très peu convaincantes sur les bénéfices de l'aspirine en prévention primaire d'un point de vue populationnelle, avec un « risque annuel d'hémorragie gastro-intestinale, d'AVC hémorragique et d'hospitalisation pour hémorragie qui est respectivement estimé à 0,7/1000, 0,3/1 000 et 3,6/1 000 », souligne le CNGE.
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