FAUT-IL élargir le cercle des donneurs vivants de rein ? Cette question est au cœur du projet de loi de révision des lois de bioéthique actuellement discuté par les parlementaires. En février dernier, lors de l’examen du texte en première lecture, les députés avaient créé la surprise en votant un amendement proposant cet élargissement du cercle des donneurs au-delà de la seule sphère familiale. Au Sénat, début avril, cette mesure a été maintenue dans le texte.
Cependant, avant d’être complètement fixé, il faudra attendre la fin de la procédure législative et le passage du texte en commission paritaire mixte (Assemblée et Sénat). Pour mémoire, on peut rappeler que, avant la loi du 6 août 2004, le donneur devait avoir la qualité de père ou de mère, de fils ou de fille, de frère ou de sœur et, en cas d’urgence, de conjoint du receveur. Depuis 2004, le champ des donneurs est étendu aux grands-parents, oncles et tantes, cousins germains et cousines germaines, ou conjoint du père et de la mère du receveur ou encore toute personne apportant la preuve d’une vie commune d’au-moins deux ans.
La notion de lien affectif étroit et stable.
La question, maintenant, est de savoir s’il faut aller plus loin en ouvrant les dons aux personnes ayant avec le receveur un « lien affectif étroit et stable ».
Cette mesure est soutenue notamment par « Demain la Greffe », un laboratoire d’idée très actif dans ce débat et qui réunit des patients, des proches, des transplanteurs et des universitaires. « Il arrive, dans certains cas, qu’une personne en attente de greffe ait des liens plus fort avec un ami qu’avec un membre de sa famille. Et il ne nous semble pas normal de refuser à un ami proche et motivé le droit de s’engager dans cette démarche altruiste au profit d’un ami qui lui est cher », indique Yvanie Caillé, cofondatrice de Demain la Greffe et animatrice de l’association Renaloo. Selon elle, cet élargissement ne constitue certes pas une solution miracle, « mais cela serait un signal politique fort pour permettre de renforcer le développement des prélèvements à partir de donneurs vivants ».
Lors du débat à l’Assemblée nationale, Jean Leonetti, député UMP et rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi sur la bioéthique, a clairement manifesté son opposition à cet élargissement. Il a notamment évoqué le risque de « marchandisation ». Selon lui, il pourrait être difficile, dans certains cas, de vérifier que le donneur potentiel est bien un ami sincère et réel du receveur. La crainte de Jean Leonetti, partagée par un certain nombre de transplanteurs, est que se porte candidat au don un « faux ami » qui serait en réalité une personne prête à céder son rein moyennant finance.
Rester vigilant face à toute dérive éthique.
La directrice générale de l’Agence de la Biomédecine, Emmanuelle Prada-Bordenave connaît bien le sujet, mais tient à garder une certaine neutralité par rapport à ce débat toujours en cours au Parlement. Comme cela était indiqué dans le rapport de 2008 de l’Agence sur le bilan d’application de la loi, elle souligne que cet élargissement existe déjà depuis de nombreuses années dans les pays scandinaves et anglo-saxons. Ces derniers reconnaissent la possibilité de faire un don à toute personne ayant des « relations affectives étroites » avec les receveurs. « Dans ces pays, le bénéfice de cet élargissement est resté relativement modeste en termes d’augmentation du nombre de donneurs. En Norvège, où il existe un assez long recul, on constate par exemple que les donneurs restent massivement issus du premier cercle familial : parents, frère, sœur, conjoint », indique Mme Prada-Bordenave, en ajoutant la nécessité d’être particulièrement vigilant face à toute dérive éthique dans ces dons du vivant. « La France est un des pays au monde qui possède les structures de surveillances les plus strictes avec une double vigilance, psychologique avec le comité d’experts et juridique avec le tribunal de grande instance (TGI). Si l’intervention du TGI a été maintenue dans le texte, c’est aussi à cause de ce risque de trafic d’organes. Si un jour, on en vient à avoir des doutes sur un possible trafic, on peut tout de suite actionner le Parquet ».
D’après un entretien avec Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence de la biomédecine et Yvanie Caillé, cofondatrice de « Demain la Greffe » et animatrice de l’association Renaloo.
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