Quatre-vingt-quinze pour cent des médicaments vendus en pharmacie sont disponibles le jour même en France. Mais depuis 3 ans, les ruptures de stock - du fait du fabricant - ou d’approvisionnement augmentent. L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait recensé 44 risques de rupture de produits indispensables en 2008, puis 173 en 2012. Entre septembre 2012 et octobre 2013, 324 ruptures de stock et 103 risques de ruptures ont été comptabilisés.
Sur cette dernière période, Les entreprises du médicament (LEEM) ont mené leur enquête auprès de 90 laboratoires pharmaceutiques à l’origine d’au moins un signalement auprès de l’ANSM. La moitié a répondu, représentant 71 % des situations de ruptures. Celles-ci durent en moyenne 94 jours mais peuvent s’étendre jusqu’à 398 jours.
Toutes les classes concernées
« Les causes sont d’une extraordinaire diversité » souligne le directeur général du LEEM Philippe Lamoureux. L’enquête révèle que 33 % des ruptures sont dues à des problèmes dans la production, 28 % à l’augmentation des ventes, 16 % à l’approvisionnement en matière première ou en excipient. « Le paysage des usines chimiques se recentre en Asie (Chine et Inde). Nous n’en avons pas le contrôle », explique Christophe Ettviller, président du groupe distribution du LEEM.
L’arrêt de la commercialisation d’un produit, une rupture de stock chez un concurrent, des changements de site de fabrication, des problèmes dans la disponibilité des articles de conditionnement ou dans la gestion interne des stocks peuvent aussi créer des ruptures. Et le temps incompressible que prend la fabrication d’un médicament (parfois plus d’un an) rend la planification délicate.
Toutes les classes thérapeutiques sont concernées : traitements hormonaux (33 %), anti-infectieux, anticancéreux, système nerveux central (16 % chacun), système cardiovasculaire... Près de 30 % des médicaments touchés par des cas de rupture sont indispensables.
Plan de gestion des pénuries
Chaque acteur s’organise. Les pharmaciens d’officine reconnaissent les efforts réalisés sur les produits sensibles. « Nous avons des numéros d’appel pour contacter les laboratoires qui nous remettent à disposition au moins une boîte en 24 ou 48 heures, les grossistes répartiteurs ont des stocks tampons dont la gestion est centralisée », explique Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Tant que nous avons l’information tôt, nous pouvons anticiper le changement d’un traitement avec les médecins et les patients », poursuit-il.
À l’Institut Curie, Laurence Escalup n’est pas non plus à court de solutions en cas d’absence d’un princeps à la pharmacie hospitalière : « On téléphone aux laboratoires, on prévoit des stocks de 1 mois et non quinze jours, nous rentrons dans des logiques de contingentement, l’ANSM importe un produit de l’étranger, ou on s’entraide entre hôpitaux », liste-t-elle. Des alternatives sont disponibles pour les génériques, moyennant le respect des marchés négociés. « Nous avons toujours trouvé une solution, mais cela prend du temps que nous ne pouvons consacrer à l’éducation thérapeutique ou à l’observance », déplore la pharmacienne.
Quant aux industriels, l’objectif du « zéro défaut » les conduit à affecter des équipes entières à l’anticipation et la communication, et à mener des analyses de risques sur chaque produit.
Le LEEM plaide pour un plan de gestion des pénuries dans la future loi de santé publique, qui regrouperait ces mesures. « Des réflexions sont en cours pour créer des listes de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur », précise Nathalie Le Meur, présidente du groupe ruptures d’approvisionnement du LEEM.
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