Phénomène isolé ou annonciateur d’une révolution dans la vente de médicaments ? En charge de la pharmacie du Bizet, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), Cyril Tetard vient de lancer sur Internet sa cyber-officine, deuxième site de vente de médicaments clairement rattaché à une pharmacie à voir le jour en France, après celui de la pharmacie de la Grâce de Dieu, à Caen.
Sur son site lasante.net, Cyril Tetard propose à la vente des « médicaments-conseils », pouvant être achetés sans ordonnance dans une pharmacie sur le conseil du pharmacien, non remboursés par l’assurance-maladie et des produits de parapharmacie. « J’ai conçu mon site comme un prolongement du comptoir de ma pharmacie, explique Cyril Tetard au « Quotidien ». Au début, je souhaitais faire du e-commerce sur la parapharmacie mais, après réflexion, je me suis rendu compte qu’en France, contrairement au reste de l’Europe, il n’y a ni autorisation ni interdiction de vente de médicaments en ligne. Du coup, j’ai tenté ma chance. » Lancé le 19 novembre, le site lasante.net enregistre pour l’instant entre « trois et cinq commandes par jour », détaille le fondateur. 80 % des commandes portent sur le médicament, 20 % sur la parapharmacie. « C’est normal, vu la saison », commente Cyril Tetard.
Ni autorisation, ni interdiction
Légalement, le jeune pharmacien nordiste est-il dans les clous ? À la faveur d’un vide juridique, oui. La France est l’un des rares pays européens à ne pas encore avoir statué sur la vente de médicaments en ligne non soumis à prescription, alors que l’arrêt « Doc Morris », rendu par la Cour de justice des communautés européennes, la rend possible depuis 2003. Sans trop prendre de risque, la ministre de la Santé Marisol Touraine a récemment dit vouloir « examiner rapidement les enjeux liés à cette question et réfléchir à ce qui doit être encadré, en complément du droit européen, afin que ne soit pas remis en cause le rôle essentiel des pharmaciens ». Réticents au e-commerce et aux « actions [qui] seraient susceptibles de mettre en péril la sécurité indispensable à la dispensation des médicaments », la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) appelle cet encadrement légal de ses vœux.
Se distinguer de la contrefaçon
La question de la sécurité dans la délivrance de molécules ne laisse pas insensibles les pharmaciens du Net, qui préfèrent montrer patte blanche que de s’opposer à la profession. « Le médicament doit faire l’objet d’un contrôle particulier dans toute vente, indique Cédric O’Neill, pharmacien cofondateur du site 1001pharmacies.com (1). Ce n’est pas le cas en l’absence actuelle d’un cadre légal, et c’est bien la cause des chiffres affolants révélés par l’Agence du médicament (ANSM) […]. En 2012, les douanes françaises ont saisi trois fois plus de médicaments contrefaits qu’en 2011. » Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 50 % des médicaments commandés à des cyberpharmacies illégales sont contrefaits.
Pour mieux encadrer la vente en ligne de molécules, 1001pharmacies.com propose la création d’un « portail officiel et la labellisation des sites légaux de vente en ligne adossés à des officines physiques ». Cyril Tetard est d’accord sur le principe. « Il nous faut nous distinguer des sites de contrefaçons, explique-t-il. La solution serait la création d’un numéro d’agreement octroyé par l’Ordre national des pharmaciens. Ce serait un véritable gage de sérieux ». Contactée à ce sujet, la présidente de l’Ordre Isabelle Adenot n’a pas été en mesure de répondre aux questions du « Quotidien ».
(1) Site en ligne qui commercialise depuis octobre 2011 des produits de parapharmacie référencés dans une vingtaine d’officines de France.
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