C’est par une lettre ouverte écrite à la ministre de la Santé le 5 août dernier que l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) a décidé d’alerter le grand public sur les difficultés d’approvisionnement en Lévothyrox (lévothyroxine). Dans ce courrier où elle se plaint également de la non prise en compte par les autorités sanitaires des résultats d’une étude épidémiologique italienne réalisée en Corse sur l’impact du nuage de Tchernobyl, l’association évoque des « ruptures de stock » et demande aux autorités « d’agir au plus vite pour régulariser cette situation qui risque d’amener un mouvement de panique intolérable ».
Des difficultés signalées depuis le mois de juin
Dans la foulée, Marisol Touraine assurait qu’aucune rupture d’approvisionnement n’avait été observée « même si quelques difficultés locales de disponibilité sont décrites ». Elle ajoutait que le « le stock de sécurité » constitué par le laboratoire Merck Serono n’avait « pas été utilisé à ce jour ».
Comme l’indique l’Agence nationale de sécurité du médicament dans un communiqué du 9 août, les tensions sur l’approvisionnement concernant certains dosages en Lévothyrox ne sont pas nouvelles puisque, dès le mois de juin 2013, le laboratoire avait prévenu des difficultés liées à une capacité insuffisante de conditionnement du médicament. L’ANSM indique avoir alors « pris, en concertation avec le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et le Conseil national de l’Ordre des médecins, un certain nombre de mesures pour assurer le maintien de la prise en charge des patients concernés ». Près de 3 millions de patients sont actuellement traités en France par Lévothyrox.
Une spécialité similaire, l’Eutirox
Le plan d’actions comporte : un contingentement de la distribution des stocks disponibles afin d’assurer une répartition équitable sur tout le territoire dans les 22 000 officines en France ; l’autorisation donnée, à titre dérogatoire et temporaire, aux pharmaciens de remplacer le Lévothyrox par un médicament similaire lorsque la mention « non substituable » figure sur l’ordonnance du patient. « Dans ce cas, le pharmacien est invité à en informer le prescripteur et à orienter les patients vers leur médecin traitant pour une consultation dans les 3 à 6 semaines suivant la délivrance du produit, afin qu’il s’assure du maintien de l’équilibre thérapeutique », précise l’agence. D’autres mesures prévoient la mise à disposition, gratuitement, pour les patients des pharmacies de ville des conditionnements hospitaliers tandis que le laboratoire Merck Serono a été autorisé à importer d’Italie une spécialité équivalente, l’Eutirox fabriquée sous licence Merck KGaA. L’Eutirox disponible depuis le 14 août est délivrée gratuitement aux patients.
Fin des difficultés prévues d’ici à la fin de 2013
Ce dispositif temporaire devrait cesser dès la remise à disposition de l’ensemble des dosages, ce qui, selon les prévisions du laboratoire, devrait être le cas avant la fin de l’année. « La direction de Merck Serono, en France et à l’international, se mobilise pour mettre en œuvre tous les moyens possibles visant à assurer une continuité d’approvisionnement pour les patients », a déclaré Pierre-Henry Longeray, président de Merck Serono France. Le laboratoire « a entrepris depuis plusieurs mois d’augmenter ses capacités de production de Lévothyrox sur son site de production principal en Allemagne qui fonctionne désormais en permanence 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Au niveau mondial, un site de production alternatif est en cours d’homologation et nous travaillons par ailleurs avec des sous-traitants européens afin d’augmenter nos capacités de conditionnement de Lévothyrox », a-t-il précisé.
Mode d’emploi pour les patients et les pharmaciens
Dans l’intervalle, il est rappelé aux patients que le traitement par lévothyroxine doit être pris tous les jours et ne doit pas être arrêté. Il leur est demandé d’anticiper de quelques jours le renouvellement de leur ordonnance de Lévothyrox afin de permettre aux officines qui n’auraient pas les produits en stock de se les procurer. En cas d’indisponibilité d’un dosage de Lévotyrox dans leur officine, les pharmaciens doivent se tourner vers leurs grossistes répartiteur ; en cas d’indisponibilité effective, ils doivent vérifier si le dosage prescrit peut être obtenu par combinaison de plusieurs comprimés d’autres dosages disponibles ; si cette solution ne peut être mise en œuvre, les pharmacies doivent alors contacter le laboratoire via un numéro vert dédié qui proposera l’alternative appropriée (conditionnement de ville, conditionnement hospitalier ou à défaut la spécialité Eutirox sur laquelle un sticker en français a été apposé et avec laquelle sera remise la notice française du Lévothyrox). L’Eutirox qui se présente en boîtes de 50 comprimés non sécables « possède la même composition que Lévothyrox, tant au niveau du principe actif qu’au niveau des excipients », relève le laboratoire.
L’Académie veut une substitution mieux encadrée
En dépit de ces précautions, l’Académie de médecine juge « insuffisantes », les préconisations de l’ANSM. Elle rappelle que le Lévothyrox est un médicament « à marge thérapeutique étroite » dont la substitution par un générique n’était jusqu’à présent pas recommandée par les autorités sanitaires. « Tout en reconnaissant que la substitution peut entraîner un déséquilibre transitoire des taux d’hormones thyroïdiennes, l’ANSM conseille seulement aux patients de consulter leur médecin traitant dans les 3 à 6 semaines suivant la délivrance du produit pour qu’il s’assure du maintien de l’équilibre thérapeutique », s’étonne l’Académie. « Un surdosage ou un sous-dosage peut avoir des conséquences graves » et « un délai de 6 semaines avant équilibration d’un traitement inadapté peut être dommageable, tout particulièrement au cours du premier trimestre de la grossesse, période pendant laquelle une consultation rapide est indispensable », souligne-t-elle. En conséquence, l’Académie demande que la substitution soit « mieux encadrée » et recommande que « soient publiées les teneurs en principe actif (L-thyroxine) du Lévothyrox, de ses génériques et de l’Eutirox, afin d’ajuster la posologie au mieux et le plus tôt possible en cas de substitution ».
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