La Fem Tech est l’innovation au service de la santé de la femme. C’est donc de la santé, et non du bien-être. Pourtant, quand on ouvre son smartphone, et que l’on tape « santé de la femme » on tombe sur des applications qui n’ont rien de médical, des applications de calendrier des menstruations, de régimes et de fitness… (ça en dit long sur l’image de la femme et de sa santé !) Dans ce contexte, comment peut-on identifier le bon grain de l’ivraie ?
La crédibilité médicale est essentielle, les dispositifs doivent être conçus avec des professionnels de santé, nous dit Paola Bourdon, Directrice Générale d’Emagina (un dispositif médical breveté : ballon vaginal connecté à une app, destiné à assouplir le périnée pendant la grossesse et permettant ainsi de réduire considérablement le nombre d’épisiotomies). Des labels et des normes existent et sont obligatoires. Encore faut-il que les femmes connaissent l’existence de ce référentiel ! D’après Juliette Mauro, présidente de Fem Tech France et fondatrice de My S Life (une plateforme digitale qui accompagne les femmes dans leur santé intime et sexuelle), les femmes qui s’intéressent à leur santé font la différence avec le bien-être, et savent repérer les outils fiables… Espérons-le !
Qui dit « santé », dit « s’inscrire dans un parcours de soins ». Et c’est là que ces pionnières, ces entrepreneuses de la santé de la Femme, associent le culot au courage et à l’intelligence. Car dans la Fem Tech, comme dans la santé de la femme d’ailleurs, il n’y a pas de parcours de santé, encore moins de parcours de soins établi ! Et les femmes ne trouvent pas le chemin. Vous l’avez compris, il reste à créer ces parcours. C’est ce qu’a entrepris, Paola Craveiro, fondatrice de Vulvae, qui a développé un dispositif digital qui accompagne les femmes atteintes de douleurs vulvaires dans leur prise en charge (de l’aide au diagnostic, jusqu’au traitement, en passant par l’éducation thérapeutique).
La Fem Tech, c’est aussi de l’innovation. Si l’on parle d’innovation, on parle de données de santé. Et c’est là, que le bât blesse. Il n’y a quasiment pas de données, les articles et les études sont trop peu nombreux : pas de symptomatologie de référence dans de nombreux cas, pas de diagnostics fiables. Or, pour innover, il faut prouver l’efficacité du dispositif médical digital, et pour cela il faut comparer les résultats à une norme… qui n’existe pas en Fem Tech (ni sur la santé de la femme) faute d’avoir été étudiée !
C’est une double peine pour les startups. Il leur faut créer la donnée de référence, puis la comparer à la donnée de leur produit. Chaline François, directrice marketing de Luna, m’a expliqué que son application d’aide au diagnostic de l’endométriose a été créée sur une étude qui a duré 13 ans et qui a été publiée dans le Lancet. En ce sens, Luna a eu la chance de bénéficier du travail antérieur d’un médecin de renom, mais c’est une exception.
Pour éviter d’attendre 13 ans pour le reste des maladies touchant les femmes, il faut une vraie volonté politique et je pense qu’elle viendra : la Fem Tech touche la société car elle touche notre intimité, et a un impact sur notre vie quotidienne et celle de nos proches. Surtout, La Fem Tech est au cœur des droits des femmes. Aux USA, la donnée peut être saisie par les autorités policières ou judiciaires. Comme la récente saisine des données de Facebook, qui a conduit à l’arrestation d’une jeune femme pour avortement illégal. Et quand la donnée intime n’est pas un instrument de délation, elle devient un instrument de communication. Google a annoncé qu’il supprimait la donnée des personnes faisant des recherches sur les plannings familiaux. Ainsi supprimée, elle ne peut être saisie.
La Fem Tech est enfin un secteur aux enjeux économiques colossaux avec un marché en pleine croissance, estimé à 60 Mds $ en 2027 selon certains. Un marché qui touche 50 % de la population mondiale et intéresse grandement Google et Apple. Pourtant, les financeurs sont frileux dans l’investissement précoce. En effet, la plupart des dispositifs ne sont pas encore remboursés, car pour cela, il faut de la donnée (retour à la case départ…) Les innovations Fem Tech doivent alors trouver un moyen de se financer tout en récoltant la data. Et ce sont souvent, hélas, les patientes (quand elles le peuvent) qui payent au départ.
Mais finalement, toutes les avancées dans la santé et le droit des femmes ont d’abord été portées par celles qui avaient des convictions, afin d’en faire bénéficier ensuite le plus grand nombre. Alors, merci Mesdames !
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier