Le point de vue sur « la médecine sans médecin » du Pr de la Caffinière entraîne, comme vous pourrez le lire, une forte adhésion de ma part. Par coïncidence, sa réponse au Pr Vallancien s’insère dans le numéro du « Quotidien » consacré au neuvième congrès de la médecine générale France… Il saute ainsi aux yeux que la médecine générale a ses propres spécificités.
« Nous médecins fonctionnons comme un ordinateur… », affirme Guy Vallancien.
Je ne partage pas cette opinion : les données de la littérature sont certes indispensables et l’ordinateur peut les rassembler et les analyser bien plus vite que les cerveaux humains. Pour en être convaincu, il suffit de se souvenir le temps que les étudiants de ma génération passaient pour faire une bibliographie, actuellement quelques clics suffisent !
Mais la consultation médicale ne se résume pas à la connaissance de publications, même si elles sont basées sur l’évidence base médecine et de subtiles méta-analyses, dont l’étude rigoureuse met souvent évidence des biais méthodologiques. Quant à l’évidence base médecine, il est curieux de constater que les vérités d’aujourd’hui ne le sont plus quelques années plus tard…
Un exemple, parmi bien d’autres, qui parlera certainement au Pr Vallancien : ne pas faire d’exploration urodynamique avant d’opérer une femme d’une incontinence urinaire d’effort était considéré comme une faute ; une récente étude randomisée portant sur un grand nombre de cas a démontré qu’avec ou sans exploration urodynamique le succès du traitement chirurgical était le même.
Comme l’écrit fort justement le Pr de la Caffinière : « C’est d’ailleurs ce qui définit la démarche médicale dans toute sa noblesse, (non pas une science mais un art qui se sert des outils technologiques) et, qu’en passant nos tutelles ont bien du mal à comprendre ».
Elles en auront d’autant plus si elles écoutent les sirènes du Pr Vallancien : dix propositions à faire passer par ordonnances gouvernementales !
Diable, la médecine doit être enrégimentée ; quelle belle assurance très chirurgicale !
Former des ingénieurs médicaux ou des médecins ?
Il ne s’agit pas d’une querelle des anciens et des modernes, mais de deux conceptions de la formation des médecins qui ne se résume pas à la rédaction de 10 ordonnances gouvernementales : soit on souhaite former des ingénieurs médicaux, ce qui obéit de plus en plus à la tendance actuelle, soit on veut former des médecins au sens complet du terme, qui ont de solides connaissances théoriques mais également une culture humaniste.
Le Pr Vallancien en est d’accord : la solution qu’il préconise est de confier la partie technique à des métiers de formation plus courte… pour avoir davantage de temps à consacrer aux privilégiés qui sortent des limites de l’épure décrétées par l’ordinateur.
Ceci est un peu en contradiction me semble-t-il avec la proposition initiale de faire remplir par les personnes malades un formulaire chez elles pendant que l’ordinateur travaille…
Les choses ne sont pas aussi simples : la communication avec les personnes malades ne se fait pas uniquement par des réponses à des questions ; en effet, la communication non verbale a tout autant d’importance et elle ne peut se faire qu’au cours d’un échange entre deux personnes qui se voient et s’écoutent.
En médecine générale une bonne part des consultations sont justifiées par des troubles fonctionnels qui font actuellement, souvent à tort, l’objet d’examens complémentaires inutiles et dispendieux.
Or ces personnes malades arrivent rarement dans les grands hôpitaux chargés de la plus grande part de l’enseignement initial : cherchez l’erreur et ses conséquences.
Comme leur nom l’indique, les examens complémentaires doivent mériter leur nom. L’interrogatoire, m’a-t-on enseigné, fait partie de l’examen clinique ! Certes dans le dépistage des cancers et des lésions précancéreuses les examens complémentaires sont indispensables ; le souligner est enfoncer des portes ouvertes.
En ce qui concerne l’affaire du Médiator, je suis entièrement d’accord pour dire que la prescription hors AMM entraîne la responsabilité du médecin. Il existe cependant des indications d’utilisation hors AMM de certains médicaments ; celle-ci ne doit pas être laissée à des décisions individuelles mais se baser sur des études sérieuses. Au sein du collège national des gynécologues et obstétriciens français existe une commission qui étudie ces questions et donne des avis scientifiquement argumentés.
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