Selon les chiffres de la dernière enquête nationale de prévalence (ENP), en 2012, 5,6 % des patients hospitalisés souffrent d'une infection nosocomiale.
Dans les EHPAD, ce taux serait de 3,04 %. Si ces chiffres diminuent depuis plusieurs années, les infections liées au soin « suivent une stabilité inquiétante depuis plusieurs années, commente le Pr Philippe Brouqui, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital La Timone, et membre de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection. Les infections nosocomiales ont atteint un taux très bas et c'est principalement sur les transmissions croisées transmises par les mains des soignants et sur la pratique des cathéters que l'on dispose de marges d'amélioration. »
En matière de lavage des mains, de nombreux progrès restent à faire, y compris en France où la Journée internationale du lavage des mains du 5 mai est l'occasion du lancement d'une campagne de sensibilisation et de formation. Le lavage des mains est un élément important du programme national de prévention des infections associées au soin (PROPIAS) lancé en juin 2015. « Le sepsis touche 30 millions de personnes dans le monde et tue 6 millions, principalement dans les âges extrêmes de la vie et chez les patients atteints de graves comorbidités », rappelle le Dr Sylvie Renard-Dubois, conseillère médicale qualité et gestion des risques à la DGOS.
En amont de la journée internationale, la société française d'hygiène hospitalière (SF2H) a publié un guide sur le thème « Hygiène des mains et soins : du choix du produit à son utilisation et à sa promotion ». Le ministère de la Santé a pour sa part mis à disposition sur son site internet des documents pour promouvoir l'hygiène des mains. Avec les centres de prévention des infections associées aux soins, le ministère propose par ailleurs une charte d'engagement du professionnel de santé pour la prévention du risque infectieux et de l'antibiorésistance. Cette charte, qui englobe le bon usage des antibiotiques et de la vaccination, peut être adoptée par n'importe quel établissement ou cabinet de ville.
Sur le terrain, les équipes opérationnelles d'hygiène, comme celle du Dr Olivier Meunier (centre hospitalier d’Haguenau) sont chargées de modifier les habitudes et les comportements des professionnels de santé. Tout est bon pour y parvenir : les post-it, le roman-photo, les mèmes humoristiques, les affiches électroluminescentes, les serious games, les recueils de poèmes et les goodies… « Nous avons aussi fait fabriquer des montres qui se fixent aux blouses pour que les soignants ne portent plus de montre aux poignets », ajoute le Dr Meunier.
Les pratiques mal évaluées
Pour évaluer l'évolution des pratiques, le groupe d'évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (GREPH) a mené un audit national en 2010. L'observance des bonnes pratiques de lavage des mains avant et après soin y était de 67,2 % dans les 762 établissements visités par leurs équipes. Une absence totale d'hygiène, à la fois avant et après le soin, n'était quant à elle observée que dans seulement 10,1 % des cas.
On ne serait donc pas loin des objectifs nationaux de 80 % d'observance ? Pas vraiment si l'on en croit le Pr Philippe Brouqui. Il constate que ces chiffres d'observance « sont largement surévalués car les mesures des bonnes pratiques en matière de lavage des mains comportent des biais en France, explique-t-il. Elles consistent à mesurer les volumes d'alcool achetés par les hôpitaux, utilisés ou pas, et à réaliser des audits qui souffrent de l'effet Hawthorne : les soignants respectent mieux les préconisations quand ils se savent observés. »
Une observance totale de 20 %
Le service du Pr Brouqui utilise entre 63 et 64 ml d'alcool par personne, soit le triple des objectifs de 21 ml fixés par le ministère (ce seuil doit prochainement être relevé). « Malgré cela, l'observance totale n'est que de 20 %, ce qui montre qu'il faut revoir nos objectifs et surtout nos modes de contrôle », poursuit le Pr Brouqui. La mesure de ce faible taux ne provient pas d'un audit traditionnel, mais du système MediHandTrace, mis au point et expérimenté à La Timone. L'idée consiste à fixer une puce RFID dans les sabots des personnels hospitaliers, détectée par des distributeurs de solution hydro alcoolique « intelligents » qui rendent compte en temps réel des pratiques individuelles, y compris le nombre de frictions et la quantité d'alcool utilisée. Un SMS est envoyé chaque semaine aux membres du service pour faire le bilan de leurs pratiques. Une alarme se déclenche également quand un soignant entre ou sort d'une chambre sans se laver les mains. « L’observance augmente faiblement avec les SMS, et double pratiquement avec les alarmes », détaille le Pr Brouqui.
En dehors de l'hôpital de La Timone, seule l'équipe opérationnelle en hygiène de l'hôpital Bichat a adopté MediHandTrace, alors que plusieurs hôpitaux en Suède, en Allemagne, au Liban et en Arabie Saoudite se sont équipés. Le Pr Brouqui attribue ce manque d'intérêt aux problèmes de financements hospitaliers. Pour Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé, « le mode de financement actuel des hôpitaux, la T2A, favorise le volume d'activité au détriment de ce genre d'investissement dans l'amélioration de la sécurité ». Le coût d'installation de tels dispositifs « pourrait faire l'objet d'une convention avec la CPAM qui assume le gros des coûts des infections nosocomiales, environ 5 milliards d’euros par an, estime le Pr Brouqui. Mais il faudrait prouver dans un ou deux établissements pilotes les économies suscitées par une bonne observance. »
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier