RIEN DE TEL pour redonner du baume au cœur d’un médecin libéral : lui promettre de s’attaquer au dossier de la simplification administrative, d’ouvrir la « chasse à la paperasse » afin de regagner du temps médical grignoté, année après année, par une multitude de tâches chronophages.
Xavier Bertrand, en ouvrant en janvier la concertation sur la médecine de proximité, s’est engagé à relancer ce chantier séduisant (qu’il avait lui même amorcé… il y a quatre ans, en janvier 2007, dans la foulée du vote protestataire aux élections aux URML de 2006). Et Nicolas Sarkozy, lors de ses vœux aux acteurs de santé, a lui aussi cité au rang des priorités le fait de « simplifier les conditions d’exercice au quotidien ». Bigre !
D’ores et déjà, quelques pistes ont été tracées. Une (nouvelle) instance de simplification administrative doit être installée très prochainement - il en existe pourtant déjà une laissée en sommeil dans le cadre conventionnel. Pour faciliter les relations médecins/caisses, les professionnels disposeront de numéros de téléphone et d’interlocuteurs dédiés « personnalisés ». Une charte du contrôle médical est en préparation. Côté formulaires, la simplification de l’ordonnancier bizone est à l’étude (plusieurs syndicats réclament sa suppression), de même que les dossiers d’entrée dans les maisons de retraite.
Refus de la simplification…qui complique.
Mais la profession attend davantage. Certaines enquêtes évaluent la charge administrative à une heure voire deux heures par jour. Des praticiens y consacrent leur dimanche. Le rapport d’Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité n’a-t-il pas retenu comme ligne directrice le fait de « repositionner les médecins sur leurs compétences, là où ils ont une vraie valeur ajoutée » ? Surtout, les syndicats, refroidis par des expériences malheureuses, rejettent désormais la « fausse » simplification, décidée d’en haut, qui consiste en réalité à transférer certaines tâches aux professionnels. « Sous couvert de dématérialisation des documents, on nous complique la vie ! », résume un leader syndical, citant le protocole de soins ou les avis d’arrêts de travail. D’une façon générale, l’approche des télé services par l’assurance-maladie (Espace Pro Ameli) consiste trop souvent à… déporter de nouvelles contraintes vers les praticiens. Les résultats sont calamiteux. Ainsi, depuis des mois, MG-France « déconseille » aux médecins généralistes d’utiliser les formulaires en ligne de l’assurance-maladie dont elle fait pourtant la promotion au nom de la simplicité et de la modernité. « L’informatique médicale vue par les caisses, c’est "venez sur nos ordinateurs faire la saisie des éléments dont nous avons besoin" », déplore MG-France. Un seul message : les médecins ne sont pas des opérateurs de saisie, qu’il s’agisse aussi bien de l’utilisation des télé services ou de la gestion administrative du dispositif du médecin traitant et des parcours de soins.
Certificats pour la pétanque, la plongée, le billard ou l’entrée en crèche.
Les syndicats ont été priés de faire connaître leurs doléances avant la prochaine réunion au ministère sur le sujet (dont la date restait à programmer). La CSMF a classé méthodiquement ses requêtes : les simplifications administratives dans le cadre conventionnel (la télétransmission des documents dématérialisés doit pouvoir ses faire directement à partir des logiciels métier « en seul clic », demande le syndicat) ; la simplification du dispositif du médecin traitant et du parcours de soins (problème des cabinets de groupe, remboursement de la consultation en tiers payant d’un patient en CMU, nécessité de connecter entre eux les différents régimes…) ; la simplification voire la suppression des innombrables certificats médicaux (non contagion par exemple). « Faut-il un certificat d’aptitude pour le billard ou la pétanque ? », soupire un responsable. Pour la CSMF, non seulement la charge administrative doit être simplifiée mais « rémunérée à sa juste valeur ». Une idée que partagent tous les syndicats, l’objectif étant de déléguer une partie de ces tâches à du personnel qualifié et formé. S’agissant de l’alimentation du futur dossier médical, la CSMF défend son volet médical de synthèse (VMS) « outil de simplification administrative à inclure dans le DMP ».
Paperasses « à la noix ».
Le SML n’est pas en reste.Même si simplifier « n’est pas si simple », ironise-t-on, le syndicat identifie lui aussi les contraintes non médicales (CNM) « conventionnelles », celles « en rapport avec la loi » (certificats, procédures fiscales, sociales et réglementaires), « privées » (clinique, assureurs, éditeurs de logiciels »ou encore « informatiques ». Outre les « bugs » de télétransmission non résolus, certaines spécialités ont des contraintes spécifiques méritant d’être allégées, juge le SML, qui cite les dossiers d’autorisation de matériel lourd pour les radiologues libéraux. De même l’exercice des médecins traitants en EHPAD est source de vive inquiétude avec l’arrivée du nouveau contrat type très controversé. Pour le SML, deux mesures, à ce stade, sont prioritaires : le financement de personnel administratif afin de libérer les médecins de certaines contraintes et « la mise en place d’un outil informatique » digne de ce nom, avec formation à la clé.
A Union Généraliste (UG, branche des généralistes de la FMF), le sujet des simplifications inspire un brin d’agacement. « Ca fait longtemps que nous proposons des pistes, je suis fatigué de ce semblant de concertation », s’agace le Dr Claude Bronner. Qui ne s’arrête plus dans l’énumération des trouvailles : suppression du bizone, des « paperasses à la noix », comme certains certificats d’aptitude, toilettage du dispositif du médecin traitant et du système de majorations d’honoraires, révision du contrat EHPAD… Union Généraliste suggère surtout que l’assurance-maladie fasse évoluer son système informatique : « Je serai satisfait quand il fonctionnera aussi bien que celui des banques », lance le Dr Bronner.
Tous les syndicats placent par ailleurs quelques espoirs dans le futur guichet régional unique à l’installation (qui servira d’abord à faciliter les démarches administratives des jeunes médecins mais aussi des praticiens qui se souhaitent se réinstaller dans un autre département).
On le voit : quatre ans après, le chantier soulève toujours autant d’attentes. La profession veut croire que le gouvernement dépassera les effets d’annonce. Étude après étude, la lourdeur des tâches administratives et les contraintes non médicales restent le principal motif de ras-le-bol professionnel.
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