Les modalités du prélèvement d’organe vont-elles changer avec la loi de santé ? « Rien à voir, circulez », répondent des médecins, tandis que le député socialiste Jean-Louis Touraine et des associations de patients espèrent un renforcement du consentement présumé et une évolution des pratiques.
Acte I : l’amendement 46 Ter à la loi de san, présenté par les députés médecins Jean-Louis Touraine et Michèle Delaunay a suscité la colère des acteurs du prélèvement, de la coordination, et de la transplantation. L’article indiquait que « le prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne majeure n’a pas fait connaître de son vivant, son refus d’un tel prélèvement », refus exprimé uniquement par l’inscription sur un registre national et révocable à tout moment. « Les proches du défunt sont informés des prélèvements envisagés et de la finalité de ces prélèvements », précise le texte.
« Aujourd’hui la loi Cavaillet de 1976 qui pose le principe du consentement présumé n’est pas appliquée car inapplicable : il y a à peine 110 000 noms au registre des refus. Donc les médecins demandent aux proches quel était l’avis de la personne de son vivant. Rares sont ceux qui se sont exprimés. C’est donc l’avis de la famille qui se substitue à l’avis de la personne. Et c’est l’avis du plus réticent qui l’emporte », explique au « Quotidien » Jean-Louis Touraine. Conséquence : des taux d’opposition élevés (33 % selon l’ABM), une liste d’attente qui s’allonge, et éthiquement, des volontés susceptibles d’être transgressées par les proches. « Notre amendement vise à respecter la volonté de chacun : qu’elle ne soit dénaturé ni par l’État (pas de nationalisation des corps) ni par les proches », assure le député.
Impossible de passer outre la famille
S’ils ne remettent pas en cause l’objectif, les médecins se sont d’abord offusqués de la forme. « Les professionnels n’ont pas été convoqués en amont, ni le Comité consultatif national d’éthique », regrette le Pr Bruno Riou, chef du service des urgences de la Salpétrière.
Sur le fond, ils jugent impensable de s’opposer aux proches. « Cela serait vécue par les familles comme une négation de la personnalité et de la mémoire du défunt. Une décision médicale aussi importante qu’un don d’organe ou de tissu ne peut être prise sans tenir compte du ressenti des proches », réagit la Société Française de médecine des prélèvements d’organes et tissus (SMPOT).
« Il faut une application soft du consentement présumé, sinon on se coupera de la population, cela serait contreproductif », assure le Pr Benoît Barrou, responsable de la transplantation rénale à la Pitié-Salpétrière et président de la société française de transplantation.
« Se passer de l’avis des proches va à l’encontre de tout le mouvement de démocratie sanitaire ou de recherche du consentement » commente le Pr Bruno Riou.
L’association de patients Renaloo a aussi pris partie contre « une vision autoritariste qui fait du registre nationale des refus (RNR) le seul moyen d’expression et créera de la défiance autour du fantasme d’un prélèvement automatique, obligatoire », selon la président Yvanie Caillé.
Informer
Acte II : le texte adopté par lzq députés et qui sera examiné au Sénat en septembre, fait évoluer le dispositif. Le registre national automatisé devient le moyen « principal » mais non exclusif de l’expression du refus. Il est précisé que les proches du défunt sont informés « au préalable » du prélèvement. Les médecins veulent croire au statu quo. « C’est un texte mort-né. Même s’il passe, cela ne modifiera pas nos comportements », explique le Dr Laurent Beydon, président du comité d’éthique de la société française d’anesthésie et réanimation (SFAR).
« Le texte reformulé valide le statu quo. On reste dans le consentement présumé, qui est le système le plus souple. Certes les familles ont souvent le dernier mot, mais c’est plus protecteur ainsi », analyse pour sa part le Pr Louis Puybasset, responsable de la neuro-réanimation de la Pitié-Salpétrière. « Le consentement est un contre-don sur la qualité des soins : il faut surtout améliorer la prise en charge des proches » poursuit-il.
L’analyse de Jean-Louis Touraine est tout autre. « Les équipes informeront les proches que l’absence d’une inscription dans le registre signifie que la personne n’était pas opposé au prélèvement. Ils n’ont ainsi pas à chercher ce que la personne aurait voulu ». « Si des familles sont très récalcitrantes, il n’y aura bien sûr pas de prélèvement », précise le député. Il mise sur une diminution de moitié des refus exprimés par les familles.
Le collectif Greffes +* soutient la démarche. « Cela devrait lever les confusions et inciter les personnes à se prononcer. Encore trop de monde pense qu’une carte de donneur vaut inscription sur un registre », remarque André Le Tutour, président de Transhépate. « Selon une enquête en 2013, seulement 13 % des Français connaissent la loi. Cette nouvelle loi ne va pas s’imposer immédiatement. Il y aura un travail d’information, pour que les familles ne parlent plus à la place des personnes » note Jean-Pierre Scotti, président de Greffe de vie.
De nouvelles discussions devraient s’ouvrir pour identifier les modalités les plus pertinentes (RNR, DMP) d’expression du refus, et formaliser les bonnes pratiques, avant l’entrée en vigueur des ces dispositions au 1er janvier 2017. Les médecins entendent y prendre toute leur part.
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