Qu’est ce qui, dans votre parcours, a pu contribuer à convaincre que vous étiez le candidat idéal pour prendre la tête de l’INSERM ?
Je peux difficilement me prononcer à la place du jury qui m’a proposé, mais peut-être que mon parcours de chercheur et de médecin a joué. Cette complémentarité est importante au moment où, dans l’évolution de la recherche en santé, il est primordial que l’INSERM puisse continuer à remplir ses deux missions : assurer une recherche fondamentale de haut niveau et amener les produits de cette recherche aux patients. Cela étant dit, lors de l’appel à candidature, il m’a semblé plus important d’insister sur les projets que j’avais pour l’INSERM que sur mon parcours.
Comptez-vous conserver un lien avec le monde du laboratoire ?
J’essaie de rencontrer les chercheurs le plus possible. C’est très important pour un président directeur général d’un organisme comme l’INSERM de conserver un tel lien. Quelle que soit la politique que l’on souhaite mettre en place, il faut l’imaginer pour et avec ceux qui en seront les principaux acteurs afin de garantir son succès. Quand je rencontre les chercheurs, ils me présentent leurs projets de recherche mais aussi leurs problèmes de structure, de financement, de poste… Je souhaite que leur vie au sein des laboratoires soit simplifiée pour qu’ils puissent se concentrer sur les compétitions internationales et sur leurs réponses aux appels d’offres européens.
À ce sujet, le mouvement « Science en Marche » se plaint de la situation de l’emploi des chercheurs et de la trop grande importance prise par le crédit impôt recherche (CIR). Est-ce quelque chose qui ressort de vos rencontres ?
C’est une véritable inquiétude. Le problème provient de la démographie de l’emploi scientifique qui est telle aujourd’hui que le nombre de départs à la retraite diminue constamment. Même si nous remplaçons chaque chercheur, chaque technicien ou chaque ITA (ingénieur, technicien et administratif N.D.L.R.) le flux de recrutement est en baisse ces dernières années. Je suis conscient que la pression est très forte sur les jeunes chercheurs confrontés à un nombre de postes qui se réduit.
Quelles sont vos solutions ?
Il faut réfléchir à ce qu’est l’emploi scientifique ainsi qu’à l’avenir des post-doctorants. Même si nous ne pouvons pas les recruter sur des postes statutaires, il faut que leur passage à l’INSERM soit un atout fort qu’ils puissent valoriser en France comme à l’international. Concernant le crédit impôt recherche, le président de la République et la secrétaire d’État à la recherche ont affirmé à de nombreuses reprises qu’il serait sécurisé et préservé. C’est une politique qu’il faut prendre en compte telle qu’elle est. Le CIR est un dispositif qui renforce l’attractivité de la France.
Compte tenu du contexte budgétaire, les ressources propres de l’INSERM sont-elles amenées à se développer ?
C’est ce que nous essayons de faire notamment en répondant aux appels d’offres européens. Les premiers retours du programme Horizon 2020 montrent qu’il y a une forte implication des chercheurs de l’INSERM en tant que partenaires ou leaders des projets européens. Notre filiale INSERM transfert est là pour les accompagner en termes d’ingénierie projet. Avec 30 % de ressources externes l’INSERM est le plus performant des organismes de recherche publique en France. C’est lié à un savoir-faire que l’on doit sans cesse améliorer pour nous placer en amont et être encore plus force de proposition.
Une de vos premières actions a été de lancer une évaluation de l’INSERM qui prendra place en 2015. De quoi s’agit-il ?
Il est important qu’une organisation comme l’INSERM puisse se fixer des objectifs. La réflexion que je souhaite mener vise à déterminer puis à construire ce que sera l’INSERM en 2020. Pour lancer ce grand chantier, il faut s’appuyer sur un bilan et définir des grandes lignes de force. L’évaluation sera faite par un comité international. Sur ces bases nous allons tirer les grands axes qui seront les nôtres entre 2016 et 2020. Le processus passe par une réflexion en interne et un dialogue permanent avec les différentes instances de l’INSERM, et notamment le Conseil scientifique qui est déjà pleinement associé.
En tant que président d’Aviesan vous êtes également chargé d’organiser la recherche d’urgence face à l’épidémie d’Ebola, et de préparer l’inter crise pour améliorer la réaction en cas de nouvelles crises sanitaires. Qu’est ce qui peut être fait ?
Préparer l’intercrise, c’est préparer la guerre en temps de paix contre un ennemi que l’on ne connaît pas encore. Le réseau REACTing, en réflexion depuis plusieurs années, est là pour nous donner les moyens de réagir en s’appuyant sur les sciences humaines et sociales, l’épidémiologie.
Quelle que soit la menace infectieuse, il existe des actions que l’on peut effectuer en amont, comme répertorier les chercheurs d’un domaine particulier afin d’identifier rapidement les projets de recherche les plus pressants. Nous avons prouvé que nous en étions capables lors de la crise du H1N1, celle du Chikungunya et plus récemment Ebola. Les protocoles de traitement qui peuvent aussi être pensés à l’avance : quels sont les patients qui seront impliqués ? quelles agences réglementaires faudra-t-il convaincre ? quels partenariats industriels devront être conclus ? Un autre point important est de préparer le terrain pour la mise à disposition rapide de médicaments, parfois expérimentaux. Il faut pour cela impliquer les agences de régulation du médicament, afin d’accélérer les procédures dans une situation d’urgence. C’est ce qui a permis de mettre rapidement en place notre essai sur le favipiravir en Guinée.
Enfin, pour ce qui est de la logistique : nous devons être capables de transférer de quoi faire des tests diagnostics, et cela n’est possible que si l’on sait à l’avance quels sont les équipements indispensables pour faire effectuer des examens biologiques.
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