Schizophrénie : des failles dans la prise en charge du syndrome métabolique et de la dépression selon l'expérience des centres FondaMental

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Publié le 19/10/2018
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Crédit photo : PHANIE

Les patients schizophrènes pâtissent d'une mauvaise prise en charge somatique, d'un repérage insuffisant de la dépression et de troubles cognitifs spécifiques, constatent Franck Schürhoff et al. dans un article paru dans « l'Encéphale », qui tire le bilan d'une décennie d'existence des 10 centres experts schizophrénie de la fondation FondaMental.

Ce réseau de 10 centres (Bordeaux, Créteil, Colombes, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Marseille, Versailles) est l'un des quatre tissés par la fondation FondaMental depuis 2007. Les trois autres réseaux sont dédiés aux troubles bipolaires (objet d'un pareil bilan), à la dépression résistante, et aux troubles Asperger. 

L'étude porte sur une cohorte nationale de plus de 600 patients stabilisés, qui ont bénéficié d'un bilan initial, d'un entretien de restitution, et d'une proposition de suivi annuel de trois ans minimum. Les trois quarts sont des hommes, de 32 ans en moyenne. La durée de la maladie, qui a commencé en moyenne à 21 ans, est de 11 ans, dont 1,5 an durant lequel la psychose n'a pas été traitée (voire 2 ans pour 17 % des patients, notamment ceux chez qui la maladie fut précoce ou chez les consommateurs de cannabis). Plus de la moitié (55 %) sont fumeurs au moment de l'évaluation qui a eu lieu en septembre 2017, 10 % présentent un trouble lié à l'usage du cannabis, 9 % un trouble lié à l'alcool. 

Des prévalences de 24 % et 20 % pour le syndrome métabolique et la dépression

La prévalence du syndrome métabolique est deux fois plus importante qu'en population générale âgée de 40 ans (24,2 % vs 10 %) et est liée de façon significative à un épisode dépressif caractérisé comorbide. Les auteurs soulignent la mauvaise prise en charge somatique : seulement 10 % des sujets hypertendus, 18 % des patients diabétiques, et 8 % des personnes présentant une dyslipidémie recevaient un traitement ou un suivi hygiéno-diététique adéquat. Ils préconisent une meilleure collaboration avec le médecin traitant. 

Par ailleurs, un patient sur cinq consultant les centres experts a été identifié comme présentant une dépression caractérisée – soit une prévalence de 20 %. Celle-ci s'élève à 26 % chez les patients fumeurs, ce qui doit inciter les cliniciens à procéder à une évaluation systématique de l'humeur avant une tentative de sevrage tabagique chez des patients atteints de schizophrénie. 

Les auteurs ont aussi identifié des troubles cognitifs spécifiques chez les patients consommateurs de benzodiazépine et chez ceux présentant une inflammation périphérique de bas grade. 

Quels traitements ?

L'adhésion des patients à leur traitement dépend de leur vécu subjectif, les moins adhérents se plaignant davantage d'effets indésirables ressentis, et non objectifs. L'étude invite les praticiens à évaluer le vécu du patient lors de la mise en place du traitement médicamenteux.  

Les auteurs ont observé que l'akathisie, qui touche près d'un patient sur cinq (18 %), est fortement associée à la polythérapie antipsychotique, qui multiplie le risque de développer ce symptôme par 2, voire par 3, lorsqu'il s'agit d'une combinaison d'antipsychotiques de seconde génération (AP2G). La prise de benzodiazépines n'est pas associée à une incidence plus faible d'akathisie, lit-on. Les auteurs conseillent de rechercher systématiquement les symptômes akathisiques et de privilégier autant que possible la monothérapie par AP2G. 

Les antipsychotiques de première génération sont-ils plus efficaces sur l'agressivité que la clozapine ou l'olanzapine, de deuxième génération ? Les études sont contradictoires, lit-on, mais les auteurs penchent pour une meilleure efficacité des AP2G, au regard des résultats sur leur cohorte. En revanche, ils assurent que les patients traités par benzodiazépines présentent des scores d'agressivité plus élevés, ce qui pourrait s'expliquer, selon eux, par leur effet désinhibiteur et leur impact délétère sur la cognition. Ils conseillent leur arrêt autant que possible. 

Enfin, Schürhoff et coll. préconisent la réalisation systématique d'une évaluation neuropsychologique initiale après stabilisation sous traitement et déplorent que l'accès aux différentes méthodes de réhabilitation psychosociale soit inégal sur le territoire. 


Source : lequotidiendumedecin.fr