À l’occasion de son déplacement aujourd’hui au CHU Saint-Louis, à Paris, la ministre des Affaires sociales et de la santé Marisol Touraine a assisté à la présentation des principaux résultats de l’essai randomisé Ipergay coordonné par le Pr Jean-Michel Molina, chef du service maladies infectieuses et tropicales du CHU Saint-Louis, et en présence du Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, qui a promu l’essai.
La ministre a émis quelques réserves sur l’éventualité d’un élargissement de la prescription des antirétroviraux comme le Truvada (emtricitabine/ténofovir) à la prophylaxie pré-exposition (PrEP), à destination des populations à risque, et notamment aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), qui ne peuvent ou ne souhaitent pas recourir au préservatif.
Besoin d’une nouvelle stratégie de prévention
Coordonné par le Pr Jean-Michel Molina (Université Paris-Diderot Paris 7, et Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris), l’essai Ipergay est conduit depuis février 2012 chez des HSH très exposés au VIH.
S’inscrivant dans un cadre global et combiné de prévention, l’essai s’accompagne d’un ensemble de mesures (conseils personnalisés et rapprochés de prévention, dépistages répétés du VIH, dépistage et traitement des autres infections sexuellement transmissibles, vaccination contre l’hépatite B, distribution de préservatifs et de gel…). Les participants sont répartis par randomisation dans deux groupes : l’un reçoit le Truvada, l’autre son placebo.
Le 24 octobre dernier, le comité indépendant de l’essai Ipergay a décidé de faire basculer les volontaires du bras placebo vers le groupe le groupe assigné au Truvada. Cette décision fut motivée par la protection observée dans le bras traité, de l’ordre de 80 %. « Les hommes du groupe placebo bénéficiaient pourtant de dépistages réguliers et d’une forte sensibilisation à la prévention », remarque le Pr Jean-François Delfraissy, « c’est le signe qu’on a là une population spécifique qui a besoin d’une nouvelle approche de prévention car les stratégies existantes ne lui conviennent pas ».
#JMS2014 : @MarisolTouraine à @APHP_SaintLouis ce jour avec Pr DELFRAISSY, directeur de @ANRSFRENSH #Sida pic.twitter.com/C1k0FG7wMP
— Ministère_Santé ( @Minist_Sante) December 1, 2014
La PrEP ne rend pas imprudent
Malgré ces bons résultats, Marisol Touraine a émis quelques réserves : « Ne risque-t-on pas de voir des gens se dire que le préservatif n’est pas si essentiel, puisqu’il existe des médicaments pour éviter l’infection ? », a-t-elle demandé.
« Il n’est pas question de remplacer le préservatif », a rappelé le Pr Molina, « mais d’intégrer la PrEP à un ensemble de moyens de prévention. » Le Pr Delfraissy a ajouté que « les études similaires menées aux États-Unis ont montré que la PrEP n’incite pas les HSH à multiplier les comportements à risque ».
Un prix à renégocier en cas de RTU
La question du prix est également au-devant de la scène. Un flacon de 30 comprimés de Truvada coûte 503,73 euros. Qui devra l’assumer ? L’individu ou la communauté ? Tout en reconnaissant qu’il y avait là une vraie question à laquelle les politiques allaient devoir répondre, le Pr Molina a rappelé qu’un traitement à la demande coûtait fatalement moins cher qu’un traitement continu prescrit à un malade infecté, et qu’il fallait mettre cette dépense en rapport avec les sommes économisées par les infections évitées grâce à cette nouvelle stratégie de prévention.
La ministre a par ailleurs ajouté que l’ouverture d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) de ce médicament en faveur de la PrEP occasionnerait également une renégociation du prix, sachant que Truvada pourrait être génériqué dans un an et demi environ.
Le dossier est actuellement ouvert à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
La phase décisive de la discussion entre le ministère, les agences de régulation et les associations qui poussent vers une ouverture de la PrEP à d’autres populations à risque que les HSH, commencera début 2015. C’est en effet à cette période que les résultats définitifs d’Ipergay seront communiqués, vraisemblablement lors de la conférence annuelle sur les rétrovirus et les maladies opportunistes (CROI). « L'ANRS mène une étude sur le coût réel de la PrEP "dans la vraie vie" par rapport à son efficacité. Les résultats de cette étude seront utilisés par les personnes qui instruisent la RTU du Truvada pour un usage préventif », nous précise le Pr Molina.
Ipergay regarde vers l’Europe
D’ici là, un élargissement d’Ipergay au-delà des 417 volontaires de l’étude initiale est envisagé. L’essai ayant perdu son caractère randomisé, il va désormais s’agir d’une étude observationnelle. Cet élargissement pourrait concerner d'autres pays européens, bien que le Pr Molina insiste sur le fait que la « décision d'ouvrir de nouveaux centres en Europe n'est pas encore prise. Elle va dépendre des nouveaux objectifs de la phase ouverte de l'essai et du financement proposé par les partenaires de l'ANRS, mais les discutions sont en cours. »
Un possible financement complémentaire fourni par la fondation Bill et Melinda Gates a été évoqué lors de la visite de la ministre. Selon Dominique Ganaye, porte-parole de la fédération LGBT impliqué dans le comité de suivi d’Ipergay, l'extension européenne de l'étude, si elle a lieu, devrait concerner « huit villes européennes, avec 50 volontaires dans chacune d’entre elles ». Selon lui, « le recrutement est sur le point de commencer à Berlin où il ne reste plus que des détails administratifs à régler. Les deux villes suivantes seront Milan et Barcelone où nous avons commencé à nouer des partenariats avec les associations locales ».
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