Les anesthésistes sont-ils feignants, les chirurgiens mégalomanes, et les psychiatres aussi fous que leurs patients ? C’est en tout cas l’image véhiculée par les médecins eux-mêmes à travers les blagues médicales. Les Drs Damien Maurin et Clément Pacault en ont analysé plus de 500, collectées auprès de leurs confrères mi-2013.
Un travail d’analyse scientifique très sérieux qui a donné lieu à une thèse en médecine, encadrée par le Dr Brieuc Galès, et soutenue en octobre 2013. Objectif : cerner les « représentations sociales de la profession médicale au XXIe siècle véhiculées par la blague médicale ». Les résultats de ces travaux viennent d’être publiés dans la revue « La presse médicale ».
Que fait un anesthésiste entre deux cafés ? Il boit un café
Il en ressort que les médecins ne sont pas tendres envers eux-mêmes. « Les stéréotypes contenus dans les blagues sont assez caricaturaux et dépeignent un tableau peu flatteur des médecins en général », écrivent les deux thésards. « En tant que jeune médecin, on s'attendait à plus de confraternité » confie au « Quotidien » le Dr Damien Maurin, 29 ans, qui effectue aujourd'hui des remplacements dans la région grenobloise.
Les histoires épinglent principalement deux spécialités de bloc opératoire. « L’anesthésiste est perçu comme incompétent, fainéant, inefficace [...], payé à ne rien faire », et considéré comme « le larbin des chirurgiens », peut-on lire dans cet article.
Quelle est la différence entre Dieu et un chirurgien ? Dieu ne se prend pas pour un chirurgien !
Les chirurgiens sont décrits comme « idiots ou mégalomanes ». Ils sont dépeints comme de « véritables têtes brûlées et dénués de réflexion » avec une « fâcheuse tendance à avoir le bistouri facile et parfois ravageur », ayant des « connaissances médicales limitées », « tyranniques envers leurs confrères ».
Les psychiatres sont quant à eux moqués pour leurs rapports avec les patients, ramenant tout au sexe ou à un conflit parental. « Que fait un psychiatre quand son patient est absent à son RDV ? Il commence sans lui », s’amusent les médecins.
Une jeune femme arrive chez le médecin : voilà, docteur, à chaque fois que je suis seule dans une pièce avec un homme, j’éprouve une irrésistible envie de faire l’amour avec lui… Est-ce que ça porte un nom ? Mais bien sûr mademoiselle, répond le docteur en dégrafant sa ceinture, ça s’appelle une excellente nouvelle !
D’une manière générale, les médecins sont décrits comme « incompétents », en décalage avec la demande des patients, « iatrogènes et faisant des erreurs médicales parfois mortelles ».
Leur personnalité n’a rien à envier à celle du Dr House : ils sont « mégalomanes, prétentieux, moqueurs, cyniques… ». Ils se montrent aussi « méprisants avec les patients », « décidant tout à leur place ou bien oubliant parfois leur présence ». À l’inverse, certaines histoires leur attribuent quelques qualités (de manière contradictoire) : ils ont de l’humour, sont dévoués à leurs patients, travailleurs, bons vivants, compétents...
L’humour carabin, à connotation sexuelle, est fréquent, les médecins étant perçus comme « salaces, obsédés, voire immoraux... ». Il faut noter que 63 % des répondants étaient des hommes...
Les médecins, adeptes de l’autodérision
Ces stéréotypes sont-ils, au moins en partie, le reflet de la réalité ? « C’est impossible, voire dangereux » de tirer une telle conclusion, écrivent Damien Maurin, Clément Pacault et Brieuc Galès. Notamment parce que, insistent-ils, la caricature est indispensable pour accentuer l’effet humoristique de la blague.
Mais aussi parce que la réalité contredit souvent les stéréotypes véhiculés par ces histoires drôles : les chirurgiens, décrits comme idiots, réussissent pourtant brillamment leurs études et il est bien rare de voir un patient endormi par un anesthésiste se réveiller en cours d’opération…
Un signe d’appartenance au corps médical ?
Les auteurs de l’étude tentent quelques explications. « Bien que connotés négativement, les stéréotypes peuvent être une marque de confraternité, les médecins se moquant d’eux-mêmes, renforçant ainsi leur appartenance au corps médical », écrivent-ils. La compétition permanente entre les médecins, d’abord pendant les études, puis au cours de la carrière professionnelle, pourrait également expliquer ce comportement.
« Ceci dit, les sciences sociales nous disent quand même que ce qui nous fait rire, c’est un peu ce qu’on pense aussi », nuance le Dr Maurin. Cette image négative du médecin véhiculée à travers la blague médicale peut-il influencer les rapports entre confrères ? Les patients pourraient-ils en pâtir ? Les auteurs de l’étude se posent la question : si certains médecins expriment de la dérision vis-à-vis de leurs confrères, comment vont-ils les considérer au moment de leur demander un avis ou de leur adresser un malade ? « Nous pensons que ces stéréotypes restent dans le domaine de l’imaginaire », répondent-ils. « Mais cela mérite d'être creusé », confie le Dr Maurin. Ce sera l'objet d'une prochaine étude.
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