Une publication, récemment mise en avant par la Société européenne de cardiologie (ESC), montre « ce qui devrait inquiéter les cardiologues en termes de pollution du sol et de l'eau ». Co-écrite par quatre chercheurs travaillant dans des instituts de recherche en cardiologie, l’étude nous éclaire sur l'effet fondamental de la qualité des sols et des eaux sur la santé humaine, en particulier cardiovasculaire. Néanmoins, « de nombreux travaux restent à mettre en œuvre, notamment pour explorer les effets cardiovasculaires des nano et microplastiques et évaluer l'impact combiné des divers polluants. En effet, dans la vraie vie on est rarement exposé à un seul polluant », soulignent les auteurs.
Une menace importante sur la santé
En 2015, la pollution de l'air, du sol et de l'eau a été responsable d'au moins neuf millions de décès prématurés par an. Ce qui représente à l'échelle mondiale 16 % des décès, soit trois fois plus que ceux liés au SIDA, à la malaria et à la tuberculose réunis. Cette pollution a causé la perte de 268 millions d'années de vie ajustées sur l'incapacité (DALYs) et celle de 14 millions de vies sans incapacité. Le retentissement sur la santé cardiovasculaire est majeur. En effet, 60 % des décès et maladies liés à cette pollution sont cardiovasculaires : infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC), arythmies, cardiopathies ischémiques…
Or, si l'effet de la pollution aérienne sur les évènements cardiovasculaires est depuis plusieurs années bien documenté, il n’en est pas de même pour la contamination du sol et de l'eau, qui constitue un danger moins directement visible sur la santé humaine.
De multiples polluants
Dans le sol et l'eau, les polluants sont nombreux, tout comme leurs effets toxiques, ils sont bien documentés ou en cours d'étude. Leurs sources (industrielles, agricoles) ainsi que les voies de contamination sont diverses. Le sol peut pénétrer dans l'organisme par inhalation sous forme de poussières, provenant par exemple de régions éloignées (déserts lointains, etc.) ou après des travaux agricoles (épandages de fertilisants, de pesticides…). Il peut aussi s’agir de particules de plastique en suspension. À cela s'ajoute les métaux lourds, comme le cadmium et le plomb, et les toxiques organiques qui peuvent en outre être absorbés par voie orale. Enfin, le lavage des sols par l'eau de pluie amenant leur contenu dans les rivières, de multiples polluants sont aussi absorbés via la consommation d'eau souillée. Ces métaux, présents dans les métalloïdes et les pesticides, induisent fréquemment un stress oxydatif, considéré comme l'évènement déclencheur de nombreuses pathologies non contagieuses. Quels sont leurs effets sur la santé cardiovasculaire ?
Des données parcellaires sur la face émergée de l'iceberg
Concernant les métaux lourds, les études épidémiologiques sur le cadmium ont jusqu'ici donné des résultats mitigés. Selon un essai coréen, un risque accru d'hypertension artérielle (HTA) et d'AVC a été observé chez les sujets âgés ayant les taux les plus élevés de cadmium plasmatiques, sans surrisque de pathologies cardiaques ischémiques. Dans une cohorte danoise, ce surrisque d'AVC n'a cependant pas été retrouvé, si on se limite aux non-fumeurs. Pour le plomb, c'est plus marqué. Dans une récente étude chinoise, des plomblémies élevées sont associées à un surrisque d'HTA, d'épaississement de l'intima média carotidienne et de maladies cardiovasculaires (coronariennes, IDM, AVC), chez des diabétiques. Selon un second travail chinois, ce surrisque a bien été retrouvé en population, mais il n’est significatif que chez les femmes. L'exposition à l'arsenic et ses métabolites ont, pour sa part, été clairement associés à un excès de maladies et de décès cardiovasculaires, dans une étude américaine (National Health and Nutrition Examination Survey).
Pour les produits chimiques (pesticides, fertilisants, dérivés de l'industrie…), les travaux sur les polluants organiques sont plus anciens. De plus, la variété des produits étant importante, les données restent parcellaires. Il est connu depuis longtemps que les benzènes et les organochlorés majorent les pathologies cardiaques. Les pesticides et autres dérivés organiques pourraient aussi favoriser l'athérosclérose, via leur activité sur le stress oxydatif, la fonction endothéliale et l'inflammation vasculaire. L'impact cardiovasculaire de divers produits chimiques courants est donc plus que probable. Il vient s'ajouter à celui des autres toxiques (présents dans l'air, le sol, l'eau, l'alimentation…), avec un effet cocktail associé à des effets délétères additifs, voire souvent synergiques.
(1) Münzel T et al. Soil and water pollution and human health: what should cardiologists worry about? Cardiovascular Research 2022 ; doi.org/10.1093/cvr/cvac082
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