SI LA FRANCE reste la championne de l’espérance de vie des femmes, l’espérance de vie en bonne santé est en légère baisse, et ce depuis quelques années. Les chiffres de 2010 sur l’espérance de vie dans les 27 pays de l’Union Européenne, présentés par l’Institut national d’études démographiques (INED), le montrent. En 2010, les Françaises avaient une espérance de vie de 85,3 ans et leurs compatriotes masculins de 78,2 ans. Mais outre l’espérance de vie, les démographes étudient aussi l’espérance de vie sans incapacité (EVSI), un indicateur important pour apprécier la qualité de vie et l’état de santé fonctionnel des Européens. L’étude montre que l’EVSI baisse légèrement, celle des hommes passant de 62,7 ans à 61,9 ans entre 2008 et 2010, et les femmes de 64,6 ans à 63,5 ans. Selon l’INSEE, l’espérance de vie en bonne santé avait entamé sa légère baisse en 2006. Et cette tendance française rejoint celle d’autres pays européens qui présentent comme elle des espérances de vie élevées, note l’INED, qui a compilé et étudié les données des 27 pays de l’Union européenne.
L’incapacité se dégrade avant 65 ans.
L’espérance de vie est calculée dans cette étude à la naissance, ce qui n’est pas le cas en général pour les études spécifiques à la France. « Quand on regarde l’EVSI à 65 ans en France, on voit qu’au cours des dernières années il y a une stagnation », explique Jean-Marie Robine, l’auteur de l’étude. « L’EVSI totale diminue, et assez franchement, la seule explication est que l’incapacité se dégrade avant 65 ans. » Emmanuelle Cambois, chercheuse à l’INED, a mené des travaux notamment sur la tranche d’âge 50-65 ans. « Ces études montrent que, ces dernières années, il y a effectivement eu une détérioration de l’état de santé fonctionnel et une aggravation de l’incapacité rapportée chez les personnes âgées de 50 à 65 ans », poursuit Jean-Marie Robine. Cette tendance, qui est observée ailleurs en Europe et aux États-Unis notamment, n’est pas encore expliquée. « Quelque chose que l’on commence à percevoir et que l’on n’a pas encore bien étudié, c’est que l’arrivée d’internet et de l’électronique dans les bureaux, a eu quelque part le même effet que le développement du travail à la chaîne dans les années 1960 ou 1970 », reprend le chercheur. « Les travailleurs sont commandés par les mails qu’ils reçoivent, et ils sont de plus en plus isolés derrière leur ordinateur. Le phénomène est mal caractérisé, mais il peut engendrer des limitations d’activités importantes. »
L’étude rapporte les chiffres des 27 pays européens, et en terme d’EVSI, la France se place au 10e rang pour les femmes et au 11e rang pour les hommes. « La France est coincée entre la culture des pays nordiques qui favorise énormément la longue vie en bonne santé, et les sociétés du sud, plutôt centrées sur la bonne prise en charge des malades et des mal-portants », avance Jean-Marie Robine, pour tenter d’expliquer ce classement. Ainsi, les personnes vivent plus longtemps dans les pays du sud, mais les habitants du nord vivent plus vieux en bonne santé. En France, la situation est un peu différente. « Les femmes sont les meilleures en terme de longévité car nous sommes bons à la fois sur le versant préventif et dans la prise en charge », analyse le chercheur. « Pour les hommes la prise en charge est bonne, mais on reste assez mauvais en terme de prévention. »
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