« L’ENJEU MAJEUR de ce nouveau plan est de prévenir les ruptures dans les parcours de vie des personnes concernées, quel que soit leur lieu de vie, y compris celles en grande précarité ou en milieu pénitentiaire », indique un communiqué du ministère de la Santé. La version définitive de ce plan présenté mercredi par Nora Berra en Conseil des ministres s’avère quasiment identique au document de travail soumis à concertation fin janvier et dont le « Quotidien » s’est fait l’écho*. Ce plan se décline en quatre axes stratégiques : prévenir et réduire les ruptures au cours de la vie de la personne, selon les publics et les territoires, entre la psychiatrie et son environnement sociétal, entre les savoirs. Présenté comme un plan « nouvelle génération », il ne comporte pour le moment aucun financement contrairement au premier plan santé mentale 2005-2008 qui avait engagé 475 millions de crédits en fonctionnement et 750 millions en crédits en investissement. Ce second plan n’est pour l’heure qu’un ensemble de grands principes que les agences régionales de santé (ARS) et « les acteurs de terrain » auront à mettre en musique selon les spécificités locales. « Les ARS ont ainsi à décliner le plan en mesures opérationnelles dans les 26 projets régionaux de santé (...). Les administrations centrales et opérateurs nationaux seront également invités à faire connaître la façon dont ils intégreront le plan dans leur propre feuille de route d’ici juillet 2012 », précise le ministère. L’ensemble de ces contributions sera annexé au plan.
Une conférence de suivi.
La Direction générale de la santé (DGS) pilotera le plan au niveau national « afin de s’assurer de sa bonne mise en œuvre par les administrations et les ARS et de la définition des indicateurs de suivi ». Un premier bilan sera établi en 2016. Entre-temps, une conférence de suivi sera organisée chaque année sous la présidence des ministres de la Santé et des Solidarités.
De leur côté, les professionnels restent pour l’heure sceptiques quant au devenir du nouveau plan. Si l’Union nationale des cliniques psychiatriques (UNCPSY) « souscrit à (ses) orientations », son président, le Dr Olivier Drevon, s’alarme « d’une absence totale de volet économique et de pistes de financement, qui permettraient la mise en œuvre effective des mesures proposées ». Bien que l’UNCPSY ne soit « pas hostile à cette démarche compte tenu des observations, par ailleurs faites, concernant le volume et l’opacité des dépenses associées à la maladie mentale », elle estime qu’un « rappel des engagements concernant la mise en œuvre de la tarification à l’activité pour la psychiatrie apparaîtrait comme une annonce a minima ». Pour le Dr Alain Vaissermann, président du Comité d’action syndicale de la psychiatrie (CASP), la question des moyens ne peut être éludée. « Une partie de la profession avait réclamé un budget spécifique à la psychiatrie à l’intérieur de l’ONDAM. Or ça non plus on ne l’a pas dans ce plan. C’est l’une des raisons d’ailleurs pour laquelle nous avions réclamé une grande loi de santé mentale », ajoute-t-il.
L’incantation ne suffit pas.
« Dans un contexte économique que personne n’ignore, aucun engagement n’est pris dans ce plan pour modifier vraiment le cours des choses », déplore la Fédération d’aide à la santé mentale-Croix-Marine. « L’incantation ne suffit pas. On peut ainsi évoquer la collaboration avec les autres professionnels de santé mais il ne s’agira que d’un vœu pieux si rien n’est fait pour harmoniser la densité médicale et paramédicale sur l’ensemble du territoire », considère la fédération dans un communiqué. Pour la Parti Socialiste (PS), le gouvernement a présenté « en catimini », « sans conviction et sans ambition » un plan « qui sonne comme un aveu d’échec et d’impuissance ». « Ce plan ne parvient (...) pas à apaiser les craintes et les insuffisances accumulées pendant ces dernières années. Le gouvernement d’ailleurs semble ne pas croire lui-même à son initiative qui se borne à l’énoncé de quelques grands principes, sans afficher d’ambition précise ni prévoir de moyens concrets », considèrent Marisol Touraine, responsable du pôle santé dans l’équipe de campagne de François Hollande et Jean-Marie Le Guen, chargé du pôle santé au PS. « De nouvelles dispositions législatives porteuses d’une politique volontaire en matière de santé mentale devront donc être élaborées » dans le cadre d’une « politique globale de santé mentale » qui « sera définie en concertation avec les professionnels de santé et les patients », annoncent-ils.
* Voir « Le Quotidien » du 26 janvier 2012
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