LE QUOTIDIEN : Les saisies de faux médicaments se multiplient. Est-ce le signe que la lutte s’intensifie ou que les trafics prospèrent ?
ALINE PLANÇON : Effectivement, il y a de plus en plus de saisies parce qu’il y a une explosion globale du trafic. Des statistiques établies montrent que dans les pays d’Afrique subsaharienne, la part du trafic peut se monter à 40 % du marché. L’OMS parlait de 10 % à l’échelle planétaire. Lors d’une opération comme celle de Pangea VII, (opération annuelle internationale visant à lutter contre la vente en ligne de médicaments contrefaits et illégaux) menée tout récemment, des centaines de milliers de doses ont été saisies en une semaine.
L’arbre des saisies ne cache-t-il pas la forêt des trafics ?
Nous en sommes bien conscients, mais les États et les polices s’intéressent de plus en plus à ce problème. Ce n’était pas le cas voilà quelques années. Dans ce combat, le partenariat entre la police, les régulateurs de santé et les professionnels est nécessaire.
L’ouverture à signature en 2011 de la convention Medicrime du conseil de l’Europe, qui a pour but de criminaliser la contrefaçon, est un pas significatif dans cette lutte. Plus de 20 pays l’ont signé et deux l’ont ratifiée. Il y a aussi la directive européenne de 2010, portant sur un renforcement du contrôle des vrais médicaments, ce qui aura pour conséquence de rendre la vie plus difficile aux trafiquants.
Pourquoi la législation en France n’est-elle pas plus dure à l’encontre des trafiquants ?
La France est l’un des rares pays doté d’un service spécifique : l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). C’est un service qui réunit en son sein des policiers et des gendarmes, mais aussi des régulateurs de santé. Il faut une volonté politique internationale de lutte contre les crimes pharmaceutiques. Mais l’éveil est réel sur cette thématique, les actions de lutte se multiplient.
À Interpol, quels outils utilisez-vous pour agir ?
Nous disposons de réseaux de messagerie sécurisée entre les pays membres. Ils permettent d’échanger des informations sur des criminels en temps réel et en toute sécurité. Si un trafiquant de médicament s’est réfugié dans un pays tiers, l’État où ont eu lieu ses activités criminelles peut publier un mandat d’arrêt international auprès de nos 190 pays membres.
Interpol est une organisation policière de coordination. Elle n’a pas de pouvoir d’enquête, ce sont les pays membres qui en disposent. Nous mettons en partage les informations dont nous font part les pays membres, et coordonnons les opérations du type Pangea VII, qui sont des initiatives d’Interpol à la demande des pays membres. De plus, Interpol a une mission d’expertise. Nous mettons en place des séminaires de formation très spécifiques qui s’adressent aux policiers, aux douaniers et aux régulateurs de santé, pour les sensibiliser au trafic de faux médicaments.
La clé de la lutte contre ce trafic n’est-elle pas un vrai durcissement des peines ?
Je ne crois pas. Le durcissement des peines est nécessaire, mais la priorité est la prise de conscience par les patients des risques qu’ils encourent en n’achetant pas dans une chaîne de distribution légale. Vous pouvez avoir tout l’arsenal répressif que vous voulez, cette prise de conscience, avec l’aide des professionnels de santé, permettrait de marquer un point crucial dans ce combat.
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