LE GOUVERNEMENT a tardé à réagir dans la crise des DOM-TOM. Yves Jégo, le secrétaire d’État à l’Outremer, ne s’est décidé à se rendre en Guadeloupe et en Martinique qu’après quinze jours de confrontations violentes. Il a offert un certain nombre de concessions aux syndicats, mais il a refusé de se substituer aux négociateurs sociaux, a donc rejeté la hausse de 200 euros qu’il avait approuvée plus tôt, selon les syndicats, et est rentré à Paris à la demande de François Fillon. Sur place, les forces de l’ordre se sont montrées d’une prudence extrême. Elles se sont efforcées de contenir les émeutes sans recourir à la violence. Pendant deux nuits, des voyous ont remplacé les manifestants et se sont livrés à diverses exactions. La destination de la Guadeloupe et de la Martinique est donc écartée par les touristes et les Antilles s’enfoncent dans une crise qui les laissera exsangues pour longtemps.
Gestion paternaliste ?
Était-il possible d’éviter ce gâchis et plus particulièrement la contagion à la Martinique, à la Guyane et à la Réunion ? Très préoccupé par les effets de la crise mondiale en France, le gouvernement ne semble pas avoir perçu assez tôt la gravité du mouvement guadeloupéen. Des années de gestion dite paternaliste ont produit une réaction populaire qui n’est pas très éloignée du soulèvement : les prix excessifs pratiqués par les commerçants se sont combinés avec une baisse sensible du pouvoir d’achat pour déclencher une explosion sociale. On remarquera néanmoins que, si les syndicats ne veulent rien lâcher de leurs revendications et si des piquets de grève ont empêché les magasins d’ouvrir, le mouvement a été coordonné, encadré et contenu jusqu’à la nuit de lundi à mardi, puis à celle de mardi à mercredi, qui ont été marquées par une violence aveugle, avec destruction de biens et mort d’homme. Comme dans toutes les situations de ce genre, c’est la population elle-même qui souffrira le plus de la grève et des manifestations. Elle le sait et tant qu’à faire des sacrifices, elle veut maintenant obtenir le prix de sa peine. M. Fillon s’est enfermé dans une logique syndicale : ce n’est pas au gouvernement d’augmenter les salaires, mais au patronat. Toutefois, en ce qui concerne les Antilles et la Réunion, la crise générale s’ajoute à une pauvreté bien plus prononcée qu’en métropole et les conséquences d’une histoire coloniale ne sont pas étrangères à l’exaspération des Antillais. Comme pour la lutte pour le pouvoir d’achat en France, la dimension purement politique du conflit doit être prise en compte.
Ce n’est pas que Paris n’ait pas été généreux averc les DOM-TOM. On peut même dire que depuis la Libération, les gouvernements successifs n’ont cessé de régler la question des DOM-TOM en abondant leur budget. Ce qui a manqué sans doute, c’est une dynamique économique qui aurait extrait les territoires français d’Amérique du sous-développement. Protégés en quelque sorte par la France, ils n’ont pas bénéficié, par exemple, de la mondialisation, laquelle a plus fait pour la croissance dans le tiers monde en quelques années que tous les prêts et les dons accordés en 60 ans par le monde industrialisé aux pays pauvres. Est-ce à dire que les DOM-TOM doivent obtenir ce qu’on appelle discrètement leur autonomie pour ne pas prononcer le terme fatidique d’indépendance ? En réalité, on n’a rien fait pendant tout ce temps pour qu’ils parviennent à un niveau de développement qui créerait le contexte propice à une émancipation politique.
Exploitation.
Personne, en France, ne souffrirait d’une indépendance dont l’octroi constiuerait, en l’occurrence, une forme extrême de lâcheté : l’esclavage, puis le colonialisme qui ont fait qu’aujourd’hui, un pour cent de la population antillaise possède la plus grande partie des richesses de la Guadeloupe et de la Martinique pendant que 90 % ont à peine de quoi vivre ou, pis, se débattent contre la pauvreté et le chômage, ont certes disparu formellement. Mais leur disparition n’a pas mis un terme à l’exploitation de l’homme par l’homme. Même 200 euros de plus par mois ne changeraient pas la donne. Ce dont les DOM-TOM ont besoin, c’est une réforme des structures économiques, un début d’industrialisation, des investissements dans le tourisme, et surtout une formation poussée des jeunes. Une simple remarque : quand les entreprises métropolitaines délocalisent, elles vont en Europe de l’Est, en Afrique du Nord, parfois en Asie, jamais en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane ou à la Réunion. Pour une part, c’est parce que ces territoires, quoique français, sont lointains. Pour une autre part, c’est parce que les Antillais n’ont pas la formation requise pour occuper des emplois industriels.
Dans ces conditions, la solution que M. Sarkozy trouvera pour les Antilles ne sera que cautère sur une jambe de bois. Pour sortir les DOM-TOM du marasme, il faut du temps, de la patience et de très gros investissements humains et financiers.
LE SOUS-DEVELOPPEMENT NE PERMET PAS L’ÉMANCIPATION POLITIQUE DES DOM-TOM
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