Emmanuel Macron a annoncé le 28 février dernier le lancement d'une campagne de vaccination HPV dans les collèges. Précurseurs, des médecins du CHU de la Réunion avaient déjà mené au cours de l'année scolaire 2020-2021 une étude sur l'impact d'un programme de promotion vaccinale dans les collèges pour augmenter la couverture vaccinale sur l'île.
Le cancer du col de l'utérus, troisième cause de cancer chez la femme à la Réunion, présente un taux de mortalité standardisé de 4,8 pour 100 000 femmes, soit un score trois fois plus élevé qu'en France métropolitaine.
Sur l'île, le taux de vaccination contre les HPV ne dépassait pas 12,2 % chez les filles de 16 ans en 2021 versus 37,4 % en métropole. « Nous étions à 8 % seulement en 2018 et à 12,2 % en 2021, précise le Dr Antoine Bertolotti, dermatologue au CHU de la Réunion. Ce très faible taux par rapport à la métropole peut s'expliquer en partie parce que les HPV présents à la Réunion n'étaient pas les mêmes qu'en métropole et qu'il existait une réticence face au vaccin à quatre valences de l'époque, estimé insuffisamment efficace au niveau local. »
Avant d'enchaîner, « ce qui n'est pas exact puisqu'il existe une protection croisée et que les HPV 16 et 18 étaient ciblés par le Gardasil 4. Aujourd'hui, avec le vaccin à neuf valences, cette réticence est encore moins légitime », poursuit le médecin actuellement en mobilité en Australie afin d'étudier les recommandations mises en œuvre dans ce pays en passe d'éradiquer le cancer du col de l'utérus dans les années à venir.
Une étude en population mixte
D'octobre 2020 à juin 2021, le Dr Bertolotti, le Pr Malik Boukerrou et la Dr Phuong Lien Tran, tous deux gynécologues-obstétriciens, ainsi que le Dr Emmanuel Chirpaz, épidémiologiste, ont lancé une étude dans 12 classes de deux collèges situés en zone d'éducation prioritaire dans la région sud de l'île, l'un participant au programme, l'autre non (témoin).
Ce programme prévoyait une information adaptée à l'âge des collégiens sur les organes génitaux et les infections sexuellement transmissibles (IST), ainsi qu'une information auprès des parents et des médecins traitants par courrier et visioconférence. La vaccination avec le vaccin nonavalent, gratuite, était proposée à bord du « bus sanitaire » de l'association Asetis, stationné dans la cour de chaque établissement scolaire.
« L'année 2020-2021, ce n'était pas la meilleure qui soit, en raison de la crise Covid, explique le Dr Bertolotti. La première étape, qui s'est révélée très compliquée, était d'obtenir le consentement des parents dans le cadre d'une étude scientifique dans un contexte de campagne vaccinale nationale contre le Covid-19 difficile sur l'île. Nous avions prévu de faire des réunions dans les écoles pour les parents et les enseignants mais les mesures d'hygiène Covid ne l'ont pas permis. » L'équipe a donc dû obtenir l'accord des parents par téléphone. « Nous nous sommes rendu compte d'une large confusion entre ces deux vaccins lors de nos entretiens avec eux, rapporte-t-il. Cela a considérablement limité le nombre de participants à l'étude, soit 90 dans les deux groupes sur les 250 tirés au sort. »
L'équipe a néanmoins obtenu du rectorat et de l'agence régionale de santé (ARS) l'autorisation de se rendre trois fois pendant une semaine dans chaque établissement pour informer les élèves et/ou proposer la vaccination. Ce qui a permis de respecter le calendrier des deux ou trois doses recommandées selon l'âge.
Des « résultats prometteurs »
Les résultats sont plutôt probants : dans le groupe d'intervention, à la fin de l'année scolaire, la vaccination initiée était plus élevée que dans le groupe témoin : 31versus 6 filles. Les mêmes résultats ont été obtenus pour les garçons avec 16 contre 1.
Il ressort de cette étude que la mise en œuvre d'un programme de promotion de la santé et l'offre de soins gratuits en milieu scolaire ont permis d'augmenter la couverture vaccinale. Des élèves d'autres classes sont venus chercher des informations auprès du bus sanitaire au moment des intercours, une trentaine ayant reçu à leur demande une prescription. « La pharmacie la plus proche de l'école d'intervention a vendu 52 doses du vaccin pour 44 enfants entre octobre 2020 et juin 2021, soit deux fois plus qu'à la même période l'année précédente », précisent les auteurs de l'étude dans la conclusion de leurs travaux.
À la suite à l'intervention du président Macron, le 28 février dernier, se prononçant en faveur d'une campagne de vaccination au collège, l'ARS Réunion et le rectorat, déjà sensibilisés à l'intérêt de cette démarche à la suite de la publication de cette étude, réfléchissent de concert à la mise en œuvre d'une telle campagne sur l'île. Dans ses dernières recommandations, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait préconisé de simplifier la stratégie vaccinale avec une seule dose.
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