Les divisions de la majorité

Le match Fillon-Copé

Publié le 31/03/2011
Article réservé aux abonnés
1301560004240931_IMG_57607_HR.jpg

1301560004240931_IMG_57607_HR.jpg
Crédit photo : AFP

POURQUOI devrait-il y avoir un débat sur l’islam ou sur la laïcité ? Pourquoi ce déluge de mots à propos d’un sujet qui exige au contraire des actes ? Le problème n’est pas de débattre. Il est de faire appliquer les lois françaises sur le passage de nos frontières. Si vous avez un passeport et un visa, vous entrez sur notre territoire ; si vous n’en avez pas, vous ne venez pas. La France est libre d’accorder un visa à ceux qu’elle veut, elle est libre de ne pas en accorder. Nous disposons d’une bonne demi-douzaine de lois sur l’immigration, pourquoi ouvrir un débat ?

Instrumentalisation.

Parce que le pouvoir veut rassurer les Français inquiets au sujet d’une immigration mal contrôlée en tenant des propos sévères pour les immigrés clandestins. Il rassurerait bien davantage nos concitoyens s’il se donnait les moyens d’empêcher, dans les faits, l’immigration clandestine et si, au lieu de procéder par des actions spectaculaires, par exemple contre les Roms, il trouvait la méthode pour les renvoyer chez eux sans qu’ils reviennent. On réprime les immigrés clandestins une fois qu’ils se trouvent en France, mais on n’aurait pas besoin de recourir à des procédés brutaux si on savait comment en limiter le nombre. Ou alors, peut-être qu’on trouve à un intérêt politicien à montrer qu’on n’a pas le cœur tendre ? Dans ces conditions, ce n’est pas l’immigration qui pose problème, c’est son instrumentalisation.

Être à l’UMP, ce n’est pas forcément être dupe de la méthode. Le débat sur l’islam et la laïcité rappelle le débat sur l’identité nationale. On prend des notions ou des mots, on en fait des débats et on voit se déverser sur Internet toutes les haines raciales que ce beau pays peut nourrir. Le Premier ministre souhaite que le débat soit canalisé et annonce qu’il interviendra personnellement s’il dérape. Le porte-parole du gouvernement, François Baroin, pourtant allié de Jean-François Copé, souhaite carrément la suppression du débat. Il est rappelé à l’ordre par M. Sarkozy. M. Copé n’hésite pas à accuser François Fillon  « de ne pas jouer collectif ». Étienne Pinte, député UMP des Yvelines, demande à M. Copé de démissionner car il n’aurait pas le droit de s’élever contre un Premier ministre désigné par le chef de l’État.

On peut penser ce qu’on veut : on peut croire que M. Fillon a une âme quand M. Copé, lui, serait d’un absolu cynisme. Il a d’aileurs raison de ne pas démissionner car, après tout, il défend la démarche du président de la République alors que M. Fillon l’accepte du bout des lèvres ; on peut croire que M. Baroin a éclairé le fond de son cœur quand il faut mettre toutes les énergies au service de la reconquête du pouvoir par Nicolas Sarkozy. Mais ce n’est pas le fond du problème. Sincère, M. Baroin se place à la surface des choses. Plus bas, il y a surtout un terrible conflit d’ambitions que personne ne reconnaît mais qui menace gravement la cohésion de la majorité présidentielle.

LE DÉBAT SUR L’IMMIGRATION RECOUVRE UNE BATAILLE DES AMBITIONS

Le Premier ministre a réussi un joli coup quand il a réussi à obtenir de M. Sarkozy qu’il soit reconduit dans ses fonctions. Il a jugé néanmoins que cette victoire ne lui serait utile que s’il la mettait au service de sa propre carrière. Il n’est pas sourd aux commentaires selon lesquels M. Sarkozy n’est pas, et de loin, le meilleur candidat de la droite. Alors qui ? Fillon, bien sûr ! Ce qui déplaît souverainement à Jean-François Copé qui, ayant depuis longtemps indiqué qu’il serait candidat à la présidence de la République en 2017, a verrouillé sa loyauté à Sarkozy pour 2012. Mais si le président renonce à un second mandat, M. Copé sera candidat l’an prochain car il ne sera plus tenu par son serment à Sarkozy, tandis que M. Fillon a bel et bien l’intention de lui barrer la route.

Voilà le fond de l’affaire. Il n’est pas idéologique. Il n’est pas du tout ce qui sépare les cœurs sensibles (Baroin, Pinte, Fillon) des cyniques (Sarkozy, Copé). Il n’est pas déterminé par le sérieux problème de l’immigration, qui ne sera pas réglé par des débats. Il est dans des ambitions si fortes qu’elles en ébranlent le socle même de l’UMP : l’unité du parti, qui devrait être plus sacrée que jamais à treize mois de l’élection présidentielle.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8935