LE NOUVEAU PRÉSIDENT progresse sur plusieurs fronts à la fois. Il a compris que les Américains attendent de lui des changements immédiats, visibles et tangibles. En quelques jours, il s’est occupé en même temps de politique économique et de politique étrangère. L’ executive order par lequel il ferme la prison de Guantanamo dans un délai d’un an et abolit la justice d’exception qui était appliquée par George Bush aux détenus constitue sans nul doute une décision, certes attendue, mais impressionnante. Il s’agit ni plus ni moins de rétablir en Amérique un État de droit que M. Bush avait fait disparaître en réduisant à néant une notion de droit anglo-américaine fondamentale, l’ habeas corpus. Plus question que l’ Attorney General (ministre de la Justice) justifie par des études juridiques controuvées la mise en place d’une justice arbitraire qui élimine les droits de la défense, admet la torture, la détention sans charges et la détention sans jugement. C’est dès le 21 janvier que les prisonniers de Guantanamo auront bénéficié de l’énorme amélioration imposée dans le traitement qu’ils reçoivent.
Crédibilité démocratique.
Comme l’a fort bien expliqué Robert Badinter, en réinventant la justice d’exception, l’administration Bush avait porté un coup sérieux à la crédibilité démocratique de l’Amérique et par conséquent à celle de tous ses alliés occidentaux. Dans le monde arabo-musulman, on a beau jeu de dire que les libertés ne sont respectées chez nous que pour nous-mêmes, ce qui n’empêche pas le gouvernement américain de prêcher les valeurs occidentales auprès du monde. Voilà donc une décision d’Obama qui va accentuer encore, si c’est possible, l’enthousiasme qu’il inspire déjà en Orient et en Asie.
Ce qui ne signifie pas du tout que l’Amérique baisse sa garde. Elle est amenée à libérer les détenus de Guantanamo dont les actes de terrorisme n’ont jamais été prouvés. Notre lutte contre le fanatisme ne doit pas nous conduire à bafouer les règles qui fondent nos systèmes. Le président Obama fera en sorte que les détenus contre lesquelles des preuves sont réunies soient jugées conformément aux lois américaines en vigueur avant l’arrivée de M. Bush au pouvoir. Il n’est d’ailleurs pas impossible que, dans les mois qui viennent, il demande au Congrès de réviser ou d’abolir le Patriot Act, adopté à la suite des attentats du 11 septembre, renouvelable chaque année, et qui correspond à une loi d’exception prise en fonction du danger que représente le terrorisme.
M. Obama a aussi choisi les hommes qui vont traiter les grands dossiers diplomatiques. Il a nommé Richard Holbrooke pour le Pakistan et l’Afghanistan ; M. Holbrooke a contraint les Serbes à signer les accords de Dayton qui ont mis un terme à la guerre civile entre Bosniaques musulmans et Serbes chrétiens. C’est un diplomate hors pair capable de s’adresser très durement à un chef d’État réticent. Enfin, le président des États-Unis a nommé George Mitchell (75 ans) comme émissaire américain pour le conflit israélo-palestinien. Cette décision est à la fois très forte et inattendue. M. Mitchell a une ascendance libanaise et il a participé à la conclusion des accords qui ont mis fin à la guerre civile en Irlande du Nord. Yasser Arafat avait coutume de dire que, si on pouvait faire la paix entre Irlandais catholiques et Anglais protestants, on pourrait la faire entre Arabes et Juifs.
Cependant, pour nommer M. Mitchell, M. Obama a dû écarter un homme dont la compétence, en matière de conflit israélo-palestinien, est considérable : Dennis Ross, qui a été pendant huit ans le franc-tireur de Bill Clinton au Proche-Orient. Tout le monde pensait que M. Ross reprendrait du service et, manifestement, des proches de M. Obama ont estimé qu’il était trop lié aux efforts de Clinton et à l’offre qui a été faite par les Israéliens, en 2000, à Yasser Arafat, offre que le leader palestinien a rejetée en déclenchant la seconde Intifada. Dans l’équipe diplomatique de M. Clinton, il y avait Robert Malley qui, par la suite, a refusé d’imputer à Arafat la responsabilité de l’échec de Clinton, alors que Ehud Barak, Premier ministre israélien de l’époque, avait proposé aux Palestiniens la restitution de Gaza et de 95 % de la Cisjordanie et d’accorder aux Palestiniens le droit d’installer la capitale de la Palestine à Jérusalem. M. Malley aurait pu lui aussi prétendre à devenir l’émissaire d’Obama dans la région. Il a donc été écarté au même titre que M. Ross.
Rassurer les Palestiniens.
Le président des États-Unis a sans doute voulu, en premier lieu, rassurer les Palestiniens et le monde arabe qui voient en M. Ross un Américain juif qu’ils jugent, à tort, trop conciliant avec Israël. Henry Kissinger est juif et c’est lui qui a contraint les Israéliens à évacuer le Sinaï. De ce côté-ci de l’Antlantique, on continue à penser que Martin Indyk, juif, ancien ambassadeur des États-Unis en Israël et membre de l’AIPAC, le lobby proisraélien aux Etats-Unis, est plus favorable à Israël qu’aux Palestiniens. Rien n’est moins vrai : M. Indyk milite depuis plusieurs années pour que la diplomatie américaine exige d’Israël qu’il fasse des concessions à Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, avant même que ne soient réglés les problèmes de sécurité dont Jérusalem fait un préalable.
Assurément le choix de M. Mitchell apporte quelque chose de tout à fait nouveau dans la diplomatie américaine. On pourrait craindre que ce choix n’ouvre la voie à une crise entre Washington et Jérusalem, mais ce ne sera vrai que si la droite israélienne l’emporte aux élections générales de février. Aussi bien Ehud Barak (travailliste) que Tzipi Livni (Kadima) sont acquis à une solution négociée qui créerait un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, ainsi qu’à des restitutions de territoire. Et si c’est Benjamin Netanyahou (Likoud) qui gagne les élections, soit il prendra la responsabilité d’une crise sans précédent avec Washington, soit il fera les concessions que la droite, comme l’histoire l’a montré, peut faire plus aisément que la gauche ou le centre.
LE CHOIX DE MITCHELL EST DESTINÉ À PROUVER QUE L’AMÉRIQUE DEVIENT ÉQUITABLE
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