Pour la première fois, Santé publique France (SPF) compile dans un rapport, publié ce 20 septembre, une série d’indicateurs sur l’état de santé des femmes enceintes, fœtus et nouveau-nés, de la grossesse au post-partum, sur une période antérieure à la pandémie (2010 à 2019). Ces indicateurs « décrivent une situation préoccupante et hétérogène de la santé périnatale », résume la Pr Geneviève Chêne, directrice générale de SPF, dans un communiqué.
Si certains indicateurs témoignent d’un « niveau élevé et stable de prise en charge » en France, « le rapport fait état de situations hétérogènes entre les territoires, avec une dégradation dans les départements et régions d'Outre-mer », commente Anne Gallay, directrice des maladies non transmissibles et traumatismes à SPF.
Les indicateurs sociodémographiques confirment une baisse du taux de natalité dans toutes les régions de France, excepté en Guyane. Le nombre de naissances est passé de 841 000 en 2010 à 734 000 en 2019. Cette baisse s’accompagne d’une augmentation continue de l’âge maternel moyen à l’accouchement, passé de 29,4 ans en 2010 à 30,1 ans en 2019.
Certaines pathologies maternelles en cours de grossesse et en post-partum apparaissent également en hausse, notamment les troubles liés à l'hypertension (4,5 % en 2010 contre 5,0 % en 2019) et le diabète gestationnel (6,7 % en 2010 contre 13,6 % en 2019). Cette augmentation « est expliquée en partie par des changements dans les modalités de dépistage et également par l’augmentation de la prévalence des facteurs de risque tels que l’obésité ou l’âge maternel plus élevé », explique SPF.
À Paris, plus de 5 % de mères sans abri
Plusieurs indicateurs témoignent également d’une plus grande précarité des mères. En Île-de-France, la proportion de femmes accouchant sans-abri est passée de 0,58 % en 2015 à 2,28 % en 2019. Le phénomène est encore particulièrement marqué à Paris, passant de 1,13 % à 5,28 %. « Cette augmentation peut être interprétée à la fois, comme le reflet de l'augmentation de la précarité due à l'absence de logement et également de la meilleure prise en compte de ces situations dans le codage des séjours des patientes », est-il relevé.
Le taux d’accouchement avec une facturation à l’Aide médicale d’État (AME) a également augmenté, de 1,55 % en 2010 à 2,44 % en 2019. Ce taux est « beaucoup plus élevé dans certaines régions », souligne SPF, citant notamment la Guyane (27,7 % en 2019), la Guadeloupe (10,4 %) et l’Île-de-France (4,4 %).
En parallèle, le tabagisme est en recul, mais reste à des niveaux élevés : avec 16,2 % de fumeuses au 3e trimestre en 2016, la France est l’un des pays européens avec la plus forte prévalence de tabagisme maternel en Europe.
Quant à la prise en charge, le taux de césariennes est stable depuis 2012 (autour de 20,2 %), tandis que le taux d’épisiotomies a fortement diminué, aussi bien pour les primipares (de 29,5 % en 2010 à 10 % en 2019) que pour les multipares (de 10,5 % à 2,7 %).
Hausse inquiétante de la mortalité néonatale
Les évolutions de la mortalité apparaissent par ailleurs contrastées, « voire préoccupantes » là encore, à la fois pour la mère et l'enfant, souligne Anne Gallay. Selon les dernières données disponibles, le taux de mortalité maternelle n’a pas diminué significativement entre 2007-2009 (9,5 décès pour 100 000 naissances) et 2013-2015 (8,1 pour 100 000). La mortalité néonatale est quant à elle en hausse en métropole : de 1,6 décès pour 1 000 naissances en 2010, elle a atteint 1,8 pour 1 000 en 2019.
En outre-mer, la situation apparaît plus dégradée : le taux de mortalité maternelle y est 4 fois plus élevé qu’en métropole, celui de mort-nés 1,5 fois plus élevé et le taux de mortalité néonatale 2 fois plus élevé. « Des travaux sont en cours pour mieux comprendre les causes de cette mortalité », indique Nolwenn Régnault, responsable de l’unité périnatale de SPF. La situation peut en tout cas progresser, selon elle, « de nombreux pays présentant de meilleurs résultats ».
Ces données « plaident en faveur d’un renforcement de la prévention et de la promotion de la santé périnatale » et d’un « meilleur accès aux droits et aux soins », préconise SPF. « Le gradient des inégalités sociales de santé, marqueur important des issues défavorables de grossesse, doit être un critère prioritaire pour guider l’ensemble des actions pour une meilleure santé des femmes et de leur enfant », conclut l’agence.
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