Si « les stéréotypes de genre martèlent des différences homme/femme souvent scientifiquement infondées et sur un mode généralement binaire et caricatural », c’est bien en raison de « l’ignorance, voire du déni des différences liées au sexe » et non de ces différences elles-mêmes, a expliqué le Pr Claudine Junien de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), spécialiste de génétique médicale, lors du Colloque Epigen 2018 organisé par le think tank français des biotechnologies, Adebiotech.
Selon la spécialiste, « la réticence à envisager les différences d’ordre génétique comme causalité spécifique et première dans les différences femmes/hommes est si bien entretenue par le recours exclusif à des explications sociales, économiques ou psychologiques que s’est profondément enracinée dans toutes les sociétés la croyance selon laquelle il suffirait d’un gommage des stéréotypes pour aboutir à une égalité de fait entre femmes et hommes ». Or, rappelle le Pr Junien, « il est temps de sortir de la dichotomie sexe et genre [et] urgent de se pencher sur cette notion de sexe pour pouvoir attaquer les maladies en ce qu’elles ont de différent chez les hommes et chez les femmes ».
Biologique et social s’interpénètrent
Dans un contexte où, « qu’on le veuille ou non, le genre est déjà rentré dans le biologique » puisque « 30 à 40 % des gènes de chaque cellule s’expriment différemment selon le sexe, le stade de développement et selon la cellule », le Pr Junien expose le fait que « les différences liées au sexe ont des bases génétiques, mais aussi épigénétiques à l’interface entre les gènes et l’environnement ». Ainsi, grâce à l’épigénétique, « le formatage socio-culturel spécifique du genre influence le biologique et le biologique influence le social, dissolvant les frontières entre le genre et le sexe tout en soulignant leur complémentarité ». L’ensemble des différentes marques épigénétiques observées chez un individu - son épigénome - est donc « la résultante des effets de l’environnement », soit « à la fois de ceux qui dépendent du sexe chromosomique, dont dépendent elles-mêmes les hormones, et de ceux imposés par les stéréotypes de genre, avec des conséquences globales dont il est impossible de dissocier les influences des uns et des autres ».
Les femmes sont les plus lésées
Pour la chercheuse qui a fondé en 2012 la Société francophone pour la recherche et l’éducation sur les origines développementales, environnementales et épigénétiques de la santé et des maladies (SF-DOHaD), il est impossible de « dissocier la biologie du contexte sociétal, économique et culturel dans lequel elle s’inscrit ». De la même manière, « on ne peut isoler les influences environnementales et culturelles des socles, des prédispositions biologiques qu’elles viennent renforcer ou, au contraire, atténuer. C’est un tout ». Une fois avoir posé ce constat qui suppose « des susceptibilités différentes aux maladies pour les hommes et les femmes », le Pr Junien alerte sur la sous-représentation dans les essais cliniques de ces dernières, de même que l’absence de femelles dans certaines études sur l’animal avec pour conséquences « des diagnostics et des traitements moins bien adaptés et deux fois plus d’accidents secondaires chez les femmes ». Elle en est persuadée, « ce n’est qu’en identifiant les mécanismes sous-jacents qu’il sera possible d’édicter de nouvelles approches préventives et diagnostiques spécifiques de chaque sexe et de les cibler pour des nouvelles approches thérapeutiques ».
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