L’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) en faveur de l’intégration de la tomosynthèse dans le dépistage organisé des cancers du sein était « très attendu », rappelle l’Association nationale des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (ANCRCDC). Mais son contenu suscite « incompréhension et stupéfaction », indique un communiqué : la recommandation formulée pourrait rendre « impossible » la seconde lecture, qui est pourtant « un pilier du dépistage organisé en France », s’inquiète l’ANCRCDC.
Dans son avis émis à la suite d'une saisine de l’Institut national du cancer (Inca) en 2017, la HAS recommande la tomosynthèse « à condition qu’elle soit systématiquement associée à la reconstruction d’une image 2D synthétique (3D + 2Ds) ». Ce choix a été opéré entre plusieurs options : la technique de mammographie classique (2D), la technique de tomosynthèse (3D) seule, l’association des deux techniques (3D + 2D) et enfin la tomosynthèse associée à une reconstruction d’image synthétique (3D + 2Ds).
« Les études concernant la 3D associée à la 2Ds, méthode moins irradiante qui permet aussi la seconde lecture, ont démontré des résultats encourageants », explique la Haute Autorité. Cette procédure permet « d’améliorer les performances du dépistage organisé, notamment son taux de détection des cancers, sans pour autant augmenter le nombre d’actes d’imagerie et la dose d’exposition », poursuit-elle.
Un impact sur les pratiques
Cette recommandation soulève des inquiétudes chez les acteurs du dépistage. Le remplacement de la 2D « classique » par la 2D synthétique « n’est pas validé par la littérature, aucune donnée n’étaye l’équivalence entre la 2D et la 2Ds », rappelle le Dr Grégory Lenczner, l'un des vice-présidents de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR).
La 2Ds, qui est une reconstruction d’images synthétiques, n’est par ailleurs « validée que pour un seul constructeur et seulement pour certaines versions », poursuit le radiologue, insistant sur l’impossibilité de réaliser un contrôle qualité.
Dans le cadre du dépistage organisé, le remplacement de la 2D, toujours lue sur film, pose, en l’absence d’un système dématérialisé pour la 2Ds, un « vrai problème », juge le Dr Lenczner. En 2022, expliquent les CRCDC, « plus de 50 % des mammographies 2D réalisées dans le dépistage organisé ont été associées à des clichés complémentaires de tomosynthèse (2D + 3D) ». Mais ces derniers « ne sont lus que par le premier lecteur car non dématérialisables en pratique en raison du poids des données à transférer ».
L’introduction de la 2Ds compromet la deuxième lecture dans le cas du dépistage organisé, s’inquiètent les CRCDC. « Les clichés 2Ds doivent être impérativement lus avec les coupes 3D de tomosynthèse, clichés que les centres dédiés au contrôle du résultat et de la qualité des clichés ne pourront pas obtenir, explique la Dr Brigitte Seradour, présidente de l’ANCRCDC. La faisabilité du modèle proposé n’est pas compatible avec la qualité des technologies actuellement disponibles. » Et le recours à la 2Ds rend « impossible » la seconde lecture, insiste-t-elle.
Le risque d’une « médecine à deux vitesses »
Le risque est aussi celui d’une « médecine à deux vitesses », alerte le Dr Lenczner. La conséquence de cette recommandation pourrait être le recours à la seule 2D (sans tomosynthèse) pour les patientes participant au dépistage organisé. « C’est une régression », tranche le radiologue, alors qu’« en dehors du programme organisé, les patientes pourront bénéficier d’un dépistage complet, avec 2D et tomosynthèse ».
La reconnaissance de l’intérêt de la tomosynthèse reste une « bonne chose », poursuit-il. Cette technique, qui n’est pas utilisée systématiquement, apporte des « éléments importants » dans des cas précis. Mais il faut « aller plus loin en acceptant la tomosynthèse en plus des clichés habituels », encourage-t-il. Et d’ajouter : « Quand la 2Ds sera validée scientifiquement par des études, on pourra s’amender des clichés classiques. Pour l’instant, on n’est pas en mesure de le faire. »
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