Sécheresses, inondations, canicules, incendies, insécurité alimentaire, pénuries d'eau, maladies, montée des eaux… De 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont déjà « très vulnérables » aux conséquences du changement climatique, et la situation va s’aggraver, alerte un nouveau rapport du groupe d’experts de l'ONU sur le climat (Giec), publié ce 28 février.
« Les éléments scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique menace le bien-être de l’humanité et la santé de la planète. Tout retard dans l’action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable », résume, dans un communiqué, Hans-Otto Pörtner, co-président du Giec, qui a préparé ce rapport destiné aux « décideurs » et négocié ligne par ligne par les 195 États membres du Giec lors d’une session en ligne et à huis clos de plus de deux semaines.
Une « abdication criminelle » des dirigeants mondiaux
Ce document « est un recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques », a dénoncé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans un message vidéo, pointant du doigt en particulier les grands pays émetteurs. « Près de la moitié de l’humanité vit dans la zone de danger - aujourd’hui et maintenant. De nombreux écosystèmes ont atteint le point de non-retour - aujourd’hui et maintenant. (...) Les faits sont là, indéniables. Cette abdication de leadership est criminelle », a-t-il jugé.
Le rapport dresse un tableau dramatique. La planète a déjà gagné en moyenne environ +1,1 °C depuis l'ère pré-industrielle. Et ce réchauffement a déjà contribué au déclin des espèces et à l'extinction de certaines, à l'augmentation des maladies transmises par les moustiques, à plus de morts causées par la chaleur et la sécheresse, et à une perte de récoltes agricoles et de la pêche.
Le monde s'est engagé en 2015 avec l'accord de Paris à limiter le réchauffement bien en deçà de +2 °C, si possible +1,5 °C. Dans le premier volet de son évaluation publiée en août dernier, le Giec estimait que ce seuil de +1,5 °C serait atteint autour de 2030, soit dix ans plus tôt qu'escompté auparavant, mais évoquait un retour possible à ce seuil d'ici à la fin du siècle en cas de dépassement.
Ce deuxième volet, publié avant un troisième début avril sur les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, souligne que même un dépassement temporaire de +1,5 °C provoquerait de nouveaux dommages « irréversibles ». « Ce rapport nous rappelle brutalement que le changement climatique tue déjà des gens, détruit la nature et appauvrit le monde », a commenté Laurence Tubiana, l'une des architectes de l'accord de Paris de 2015.
Des efforts insuffisants, « fragmentés, à petite échelle »
À +1,5 °C, le rapport prédit la disparition de 3 à 14 % des espèces terrestres, mais aussi des milliards de personnes supplémentaires exposées à la dengue et, de manière générale, une « augmentation sensible des maladies et des morts prématurées ». Ces conséquences désastreuses vont augmenter avec « chaque fraction supplémentaire de réchauffement », de la multiplication des incendies au dégel du pergélisol.
« Nos vulnérabilités sont mises à nu dans ce rapport. La science nous dit que nous atteignons déjà les limites de notre capacité d'adaptation à 1,1 °C. À 1,5 °C, nous savons que nous subirons des pertes encore plus importantes », a réagi Madeleine Diouf Sarr, représentante du groupe des Pays les moins avancés (46 pays).
Face à la menace, les efforts restent insuffisants, « fragmentés, à petite échelle », déplore le Giec, mettant en garde contre tout « retard supplémentaire » dans la lutte contre le changement climatique qui laisserait filer l’espoir d’un « avenir vivable ». Il n'est pas question que ce rapport soit éclipsé par l'invasion russe en Ukraine, a plaidé Hans-Otto Pörtner, auprès de l’AFP. Le réchauffement « nous hante. L'ignorer n'est pas une option », a-t-il déclaré.
Ce rapport « démontre pourquoi la communauté internationale doit continuer de prendre des mesures climatiques ambitieuses, alors même que nous faisons face à d'autres défis mondiaux impérieux », a souligné dans un communiqué le secrétaire d’État américain, Antony Blinken.
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