TROIS GRANDES étapes ont jalonné le développement de la revascularisation coronaire par angioplastie. La première fut la mise en évidence de la possibilité de « dilater » les artères coronaires par Andreas Gruentzig en 1977. Très rapidement, les limites de la méthode apparurent : le risque immédiat dû aux dissections et le risque à moyen terme de resténose (retour élastique et processus tumoral lié à la prolifération des cellules musculaires lisses « activées » par le traumatisme artériel de l'angioplastie), observé dans environ 40 % des cas.
La deuxième étape fut marquée par la mise en évidence, en 1987, de l'intérêt de l'utilisation large des endoprothèses coronaires ou « stents » (J. Puel et U. Sigwart) pour limiter le risque immédiat de dissection lors de l'angioplastie, donc pour sécuriser le geste. En revanche, leur efficacité sur la resténose restait limitée (action incontestable sur le retour élastique, mais peu d'effest sur le processus de prolifération tumorale) et, dans certaines indications (diabétique, longues lésions), la chirurgie de revascularisation restait largement supérieure à l'angioplastie. Les expériences initiales furent, par ailleurs, grevées par un risque thrombotique accru, en grande partie levé aujourd'hui par l'utilisation d'association d'antiagrégants plaquettaires (habituellement l'association clopidogrel-aspirine).
Pour limiter le risque persistant de resténose, les concepteurs d'endoprothèses ont tout d'abord modifié les alliages (utilisation du carbone) et le maillage des stents (les mailles fines induisant moins de resténoses) avec des succès mitigés.
La troisième étape fut l'avènement des stents « actifs » à la fin des années 1990, l'idée étant toujours d'utiliser le stent comme un support de la paroi artérielle après angioplastie et d'y adjoindre une substance ayant des propriétés antiprolifératives pour limiter le processus de resténose, le médicament étant délivré localement et pendant un temps déterminé au travers d'une membrane (coating). Donc, trois éléments, tous importants, le stent lui-même, le coating et le médicament administré localement, constituent le stent actif.
Les molécules choisies dans ces implants à libération de produit actif, ou « drug eluting stents » des Anglo-Saxons, sont le sirolimus et le paclitaxel. Le sirolimus est un macrolide immunosuppresseur et antimitotique ; il est, en particulier, utilisé dans les endoprothèses de marque Cypher (Cordis). Le paclitaxel, issu de l'écorce de l'if du Pacifique - ou Taxus brevifolia -, est un autre antimitotique employé dans les stents Taxus (Boston Scientific).
La démonstration de l'efficacité et de la bonne tolérance de ces endoprothèses obéit à un schéma identique : études de tolérance (suivi au long cours d'une cohorte de patients chez lesquels est implantée l'endoprothèse active), étude comparative stent actif contre stent nu dans des indications simples (gros vaisseaux, lésions courtes), puis études comparatives du même type, mais dans des indications plus larges, ces dernières études étant appelées études pivots.
L'étude RAVEL a été le premier essai randomisé qui a permis la comparaison entre une endoprothèse enrobée de sirolimus et une endoprothèse nue, dans le cadre du traitement de lésions de novo sur des artères natives. Le taux de survie libre de tout événement à deux ans a été de 90 % environ dans le groupe sirolimus et de 70 % dans le groupe témoin avec un taux de resténose de 0 % à neuf mois dans le groupe sirolimus. L'étude SIRIUS a confirmé le succès de ce type d'endoprothèse, en particulier sur des lésions considérées comme à haut risque de resténose.
Dans l'étude DIRECT, l'implantation dite directe du stent, sans prédilatation de la lésion au ballonnet, a fait la preuve de son efficacité chez un nombre élevé de patients. La durée de l'intervention a été réduite et les complications immédiates ont été moins nombreuses.
L'efficacité du stenting actif est particulièrement démontrée en cas de lésions à haut risque de resténose : chez le diabétique, dans les artères de petit calibre et sur les longues lésions.
Concernant le stent au paclitaxel, l'étude TAXUS I a montré la sécurité de ce type de matériel et l'absence de resténose. L'étude européenne TAXUS II a mis en évidence la diminution hautement significative des taux de resténose angiographique et de réintervention. L'étude Taxus IV, de grande ampleur, qui a porté sur plus de 1 300 patients, a comparé le stent enrobé au stent nu correspondant. Les résultats de ce travail, publiés par P. W. Serruys en 2004 dans la revue « Circulation », ont montré que l'utilisation du stent enrobé de paclitaxel est associée à une réduction du risque de resténose dans tous les sous-groupes de patients, notamment diabétiques, artère coronaires de petit calibre, longues lésions...
Les recommandations de la Société européenne de cardiologie.
D'après les recommandations de la Société européenne de cardiologie, disponibles depuis mars 2005, seuls les stents Cypher et Taxus peuvent être recommandés, à partir des résultats des études SIRIUS, TAXUS IV et TAXUS VI. Le National Institute for Clinical Excellence (NICE), une organisation indépendante qui fait partie du service national de santé du Royaume-Uni, recommande l'emploi des stents à élution de médicaments, au sirolimus ou au paclitaxel, chez les patients ayant une insuffisance coronaire symptomatique lorsque le diamètre du vaisseau à traiter est inférieur à 3 mm ou lorsque la longueur de la lésion est de plus de 15 mm. Les recommandations ne s'appliquent pas actuellement en cas d'infarctus myocardique datant de moins de 24 heures ou en cas de thrombus patent angiographiquement. Néanmoins, les stents à libération de médicament ont été parfois employés dans ces indications.
Les auteurs des recommandations indiquent également que l'utilisation des stents actifs est susceptible de réduire les coûts, en particulier chez les multitronculaires et/ou les diabétiques du fait de la moindre fréquence des réinterventions pour resténose.
Tout récemment, plusieurs études, présentées à l'occasion de la 54e session scientifique de l'American College of Cardiology (Orlando), ont comparé l'efficacité des stents au sirolimus et les stents au paclitaxel. Ainsi, dans l'étude REALITY, si les résultats obtenus semblent comparables en termes d'efficacité clinique, l'efficacité angiographique semble légèrement supérieure avec le stent au sirolimus.
Enfin, selon les résultats à un an de l'étude ARTS II, la mise en place d'endoprothèse(s) au sirolimus chez les pluritronculaires semble aussi efficace et aussi sûre que la revascularisation chirurgicale. Cependant, d'autres études sont encore nécessaires pour définir la place respective de la chirurgie et de la revascularisation par endoprothèse active chez les patients à très haut risque, tritronculaires, porteurs de sténose du tronc commun ; c'est l'objet d'une future étude baptisée SYNTAX.
Deux dernières informations sont indispensables en ce qui concerne l'utilisation des stents actifs :
- la première est la nécessité de poursuivre l'association aspirine-clopidogrel au long cours (de 6 à 12 mois si possible) du fait du risque de thrombose accru lié au ralentissement de la repousse endothéliale, conséquence de l'utilisation de substances antiproliférantes ;
- la seconde est que le stenting, quel qu'il soit, est une véritable avancée thérapeutique, mais qu'il n'a qu'une action très localisée alors que la maladie athéromateuse est en général diffuse. La base du traitement reste donc la prévention et la correction des facteurs de risque.
D'après un entretien avec le Pr Gilles Grollier, CHU Côte de Nacre, Caen.
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