« L’exposition à l’amiante est et restera encore pendant plusieurs décennies un sujet majeur de santé publique nécessitant le maintien de la surveillance et le renforcement des actions de prévention ». À l’occasion de la présentation des résultats à 20 ans du programme national de surveillance du mésothéliome pleural (PNSM), plusieurs experts de Santé Publique France ont alerté sur la persistance des risques liés à l’amiante, plus de vingt ans après son interdiction. Avec notamment une préoccupation croissante quant aux expositions non professionnelles.
Premier du genre, ce travail a recensé et analysé tous les cas de mésothéliomes pleuraux survenus entre 1998 et 2017 dans les départements couverts par le dispositif. Ces données ont ensuite été extrapolées à l’ensemble du territoire.
L’incidence des mésothéliomes en hausse
Résultats : en vingt ans, l’incidence annuelle de la maladie n’a cessé d’augmenter, passant de 800 cas en 1998 à 1 100 en fin de période. Cela avec de fortes disparités géographiques, le Nord, le Nord-Ouest et le Sud-Est étant plus touchés.
En parallèle, la maladie s’est féminisée, avec un doublement de l'incidence en population féminine pour atteindre 310 cas/an (27 %) en 2015-2016. À cette date, 27 % des mésothéliums concernaient des femmes.
En matière d’exposition, les auteurs pointent aussi plusieurs évolutions notables. En population masculine, celle-ci est professionnelle dans plus de 90 % des cas. « Cette proportion reste stable depuis 1998, mais on observe un déplacement de la problématique des métiers d’utilisation et de transformation de l’amiante vers les métiers d’intervention sur des matériaux contenant de l’amiante (secteur du BTP, désamiantage…) ».
Les femmes davantage exposées hors travail
Chez les femmes, la part des expositions professionnelles à l’amiante est moindre (environ 40 %), avec une faible diminution de la proportion depuis 1998 (45 % sur la période 1998-2002 versus 39 % sur la période 2013-2017).
Près d’un tiers (32,7 %) ont été exposées en dehors du travail. Il s’agit le plus souvent d’expositions para-professionnelle, (via un conjoint ou des parents exposés professionnellement — 20,7 %) ; domestiques (via des objets ou des matériaux de construction des lieux de vie contenant de l’amiante — 8,3 %) ou par le bricolage (2,5 %) Des expositions environnementales — potentiellement liées à la proximité des lieux de vie (écoles, emplois, domiciles) avec des affleurements naturels à l’amiante, des industries ayant manipulé ou transformé de l’amiante, ou des chantiers navals — ont aussi été rapportées (1,2 %).
Pour 25 % des femmes, « on ne retrouve aucune de ces expositions », souligne par ailleurs Santé Publique France.
« Ainsi, la part des expositions non professionnelles à l’amiante et des expositions à d’autres facteurs que l’amiante ne serait pas négligeable, particulièrement chez les femmes », résument les auteurs du rapport pour qui « l’on assiste à un déplacement de la problématique "amiante en population travail" » vers une problématique "amiante en population générale" avec des expositions d’origine non professionnelle qu’il y a lieu de mieux comprendre ».
Autre motif de préoccupation pointé par ce rapport : le recours aux dispositifs d’indemnisation (reconnaissance en maladie professionnelle et Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante — Fiva) des personnes atteintes d’un mésothéliome pleural est encore insuffisant, avec 27 % des cas du régime général de sécurité sociale (RGSS) ne faisant aucune démarche et 53 % des cas hors RGSS n’ayant pas recours au Fiva.
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