FORTS DU SUCCÈS de leur grève du 11 mai – mais pauvres en termes de réponses apportées à leurs revendications par le ministère de la Santé –, les praticiens hospitaliers, emmenés par l’Inph et la CPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers et Confédération des praticiens des hôpitaux, à eux deux majoritaires), vont continuer leur mouvement de protestation. A compter du 22 mai, ils boycotteront pour une durée indéterminée toutes les tâches administratives qui leur incombent habituellement (codage, participation à la vie institutionnelle de leur établissement...). Ce toujours pour s’opposer aux modalités de révision de leur statut programmées par les pouvoirs publics avec l’aval de deux syndicats – la CMH (Confédération médicale hospitalière) et le Snam-HP (Syndicat national des médecins des hôpitaux).
Ces mesures – et en particulier celle qui réforme la procédure de nomination des PH, en la scindant entre « nomination » (toujours ministérielle) et « affectation » (déconcentrée en pratique au niveau de l’établissement) – ne font manifestement pas recette auprès des médecins des hôpitaux. D’après la Dhos (Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, au ministère), il y avait jeudi dernier 27,4 % de PH mobilisés dans les CHU et 28,9 % dans les centres hospitaliers. En régions, la situation était contrastée, avec 25 % de médecins en grève aux Hospices civils de Lyon (voir ci-dessous) et 77 % chez les anesthésistes de l’Assistance publique des Hôpitaux de Marseille ; le CHU de Rennes a enregistré quant à lui 51 % de grévistes, Dijon 55 %, Toulouse 29 % et Montpellier 30 %.
De leur côté, les syndicats font des comptes plutôt impressionnants. «Quand la CPH et l’Inph mobilisent, il ne reste pas grand monde dehors», ironise le Dr Pierre Faraggi, président de la CPH. Son organisation estime le taux de grévistes moyen «à plus de 50%» dans les établissements MCO. Elle cite «certains résultats exceptionnels à plus de 60% au CHU de Lille, plus de 70% au CH de Cannes, plus de 90% à Perpignan et plus de 95% à Firmini». Des spécialités se sont particulièrement illustrées, toujours selon la CPH qui a dénombré «80% des grévistes chez les psychiatres, les urgentistes, les anesthésistes et les pharmaciens». Pour le Snphar (Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs), la journée de jeudi «fera date» : localement «jusqu’à 95%» des praticiens de la spécialité auraient fait grève.
PS et PC en renfort.
Le mouvement a trouvé un écho politique... dans l’opposition puisqu’il a reçu le soutien des partis socialiste – accusant le gouvernement de vouloir «précariser les médecins hospitaliers» – et communiste – dénonçant «l’acharnement (des pouvoirs publics) à détruire l’hôpital». Le ministre de la Santé reçoit ce matin à 10 h 30 les présidents de l’Inph et de la CPH. Mais sur le fond, il campe sur ses positions. «Conscient des inquiétudes» exprimées chez les PH sur la question de leur «indépendance» professionnelle, Xavier Bertrand ne le répète pas moins : «La réforme est inspirée par une recherche d’efficacité médicale au service du patient, il n’est donc aucunement question d’altérer l’indépendance des praticiens qui sera intégralement respectée.» Le ministre réaffirme que l’affectation des médecins, qui se faisait jusqu’ici annuellement sur liste ministérielle, restera «soumise à signature ministérielle» sur la base d’un dossier instruit sur «proposition du président de la commission médicale d’établissement», de sorte que «la logique médicale» prévaudra.
Le dialogue de sourds continue. Et donc le bras de fer. «On croit rêver, commente la présidente de l’Inph, le Dr Rachel Bocher, rien ne change dans le discours du ministre.» Président de l’Amuf (Association des médecins urgentistes français), le Dr Patrick Pelloux déclare : «Au lieu d’offrir de discuter une fois que tout est ficelé, le ministre doit retirer son projet et accepter d’engager une concertation ouverte et libre.» De plus en plus remontés, les syndicats demandent maintenant l’abolition pure et simple du relevé de décisions (signé par la CMH et le Snam-HP) qui a engagé le 31 mars dernier la révision statutaire des PH. CPH et Inph menacent d’un boycottage illimité des tâches administratives à partir du 22 mai – «Il va s’agir pour nous de nous concentrer uniquement sur notre mission de soin», expliquent les Drs Bocher et Faraggi –, sachant qu’une deuxième journée de grève est déjà dans leurs cartons.
La voix discordante de la Cour des comptes
Aux dires de Philippe Séguin, premier président de cette juridiction, c’est une coïncidence : le jour de la grève des PH, la Cour des comptes rendait public un rapport sur « Les personnels des établissements publics de santé » (que « le Quotidien » développera dans sa prochaine édition) dans lequel elle juge «inadéquate» la centralisation de la procédure de nomination et d’affectation des praticiens hospitaliers.Parce qu’elle engorge l’administration centrale, parce que, en outre, elle « ne reflète pas la réalité du processus décisionnel », les nominations « entérinant en fait un recrutement local (...) par cooptation », cette situation ne doit pas perdurer, jugent les magistrats.
Pour la Cour, les hôpitaux devraient pouvoir « procéder en fonction de leurs ressources et de leurs besoins aux recrutements de praticiens et aux affectations nécessaires sans qu’il soit toujours besoin d’en référer au plus haut sommet de l’Etat ».« Il serait logique, écrivent les magistrats, que les décisions d’affectation des praticiens hospitaliers soient prises par les conseils d’administration des établissements où ils vont exercer. Telle est la pratique dans la plupart des pays, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne, mais aussi en France pour les hôpitaux privés et les cliniques. (...) Il conviendrait au moins que les décisions d’affectation des praticiens hospitaliers et des directeurs d’hôpital soient prises par les directeurs des agences régionales de l’hospitalisation (ARH). »
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