«CE N’EST PAS encore l’entente cordiale, mais on est passé en une soirée de la guerre froide à la coexistence pacifique.» Cette petite phrase d’un leader syndical résume assez bien l’état d’esprit de la grand-messe de la PDS, voulue et organisée jeudi dernier par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Car cette réunion aura eu le mérite, selon le président du Samu de France, le Dr Marc Giroud, «de faire cesser le dialogue de sourds entre libéraux et hospitaliers, et de détendre l’atmosphère».
Un commentaire partagé par à peu près tout le monde. Pour le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF-G (la section généraliste de la Fédération des médecins de France), «on a assisté à un enterrement de la hache de guerre, et je salue le langage modéré des urgentistes au cours de cette réunion». De son côté, le Dr Jean-Louis Caron, du SML (Syndicat des médecins libéraux) parle de «climat relativement consensuel et pas agressif entre libéraux et hospitaliers».
Quant à Michel Combier, président de l’Unof (Union nationale des omnipraticiens de France, branche généraliste de la Confédération des syndicats médicaux français, Csmf), il juge qu’il y a désormais «une volonté générale d’avancer sur ce dossier». Même le Dr Patrick Pelloux, président de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France) estime que «cette réunion n’était pas inutile: les hospitaliers comme les libéraux ont fait chacun un pas».
Le seul bémol à cette partition introductive provient de MG-France, par la voix de son président Pierre Costes : il ne faut pas, met-il en garde, «vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué».
Sur le fond, cette réunion aura permis des avancées sur un grand nombre de points du très long dossier de la permanence des soins. A notamment été décidée la création d’un Comité national de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins (Conamups) qui, outre les libéraux et les hospitaliers, intégrera également les pompiers, les dentistes, les kinés et les pharmaciens. Très attendu par tous les acteurs de la PDS, défini comme une instance de concertation et de dialogue, le Conamups devrait se réunir dès septembre prochain, une fois sa création confirmée par décret. Même Pierre Costes salue l’initiative, jugeant que la création de ce comité est «la seule chose réellement positive de cette réunion».
Le ministre de la Santé a par ailleurs annoncé que «les préfets pourront étendre, s’ils le jugent nécessaire, la période de permanence des soins au samedi après-midi; un décret en conseil d’Étatrendra cette disposition applicable pour l’été». Une mesure bien accueillie par tous les participants, à l’exception de MG-France.
Le bout du tunnel pour la nuit profonde.
Mais le gros morceau de cette réunion au sommet était sans conteste la possibilité de mutualiser les moyens entre la ville et l’hôpital aux heures de nuit profonde. Il s’agit, dans les cas où la présence d’un médecin libéral de garde se révélerait impossible à cette heure-là, de confier à l’hôpital les rares actes de PDS de cette période horaire (selon Jean-Louis Caron du SML, il y a dans le cadre de la PDS moins de 300 actes par jour sur toute la France en période de nuit profonde).
Le ministre de la Santé a précisé à ce sujet que «les préfets auront la possibilité, au cas par cas et en l’absence de solution alternative, de confier à un ou plusieurs établissements hospitaliers l’organisation de la PDS en deuxième partie de nuit, accompagnée des moyens correspondants».
Le Dr Marc Giroud (Samu de France), se dit «d’accord sur ce principe car nous voyons que, malgré tous les efforts fournis, la PDS en deuxième partie de nuit ne fonctionne pas bien partout. Cela nous fait penser que, là où ça ne marche pas bien, ça ne marchera pas mieux demain. De sorte que nous nous sommes dits qu’il vaudrait peut-être mieux nous charger de cette tranche horaire, mais à condition de l’organiser et de la construire». C’est-à-dire de disposer des moyens nécessaires, à savoir des médecins, des véhicules légers, et des lits.
Le Dr Patrick Pelloux adhère lui aussi à la proposition du ministre : «Les hospitaliers comprennent fort bien qu’un médecin libéral ne puisse pas être de garde toutes les nuits, explique-t-il . Ce qui nous agace, c’est d’apprendre par voie de presse que les mêmes libéraux veulent nous refiler le bébé sans nous en parler avant.»
Côté libéral, la nouvelle est accueillie comme il se doit. Le Dr Jean-Paul Hamon relève «la volonté d’apaisement des urgentistes et du Samu. En contrepartie, les libéraux ont démontré que, partout où la PDS était régulée et incitative, il n’y avait pas de problème de volontariat». Le Dr Michel Combier, plus méfiant, note malgré tout «une moindre opposition des hospitaliers envers la ville sur ce dossier».
Régulation et MMG.
D’autres décisions ont été prises au cours de cette réunion. Xavier Bertrand a fait part de son intention de généraliser «à tous les départements» la participation des médecins libéraux à la régulation. Sur ce sujet, un groupe de travail sera bientôt mis en place. Il sera chargé de plancher sur la couverture assurantielle des médecins régulateurs qui pourraient prochainement bénéficier du statut de collaborateur occasionnel du service public. Une réflexion devrait être menée sur la possibilité, pour ces régulateurs, de procéder, par téléphone, à des consultations et à des prescriptions.
Les Maisons médicales de garde (MMG) n’ont pas été oubliées. Une évaluation du dispositif a été confiée au Dr Jean-Yves Grall, un médecin travaillant pour l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) de l’Ile-de-France, qualifié par le Dr Marc Giroud de «très qualifié et très compétent». A charge pour le Dr Grall de rendre sa copie au plus tard le 15 juillet.
Le ministre de la Santé a par ailleurs promis aux MMG «un financement simplifié et pluriannuel».
Enfin, le ministre de la Santé a annoncé le lancement d’une «campagne d’information à destination du grand public sur le bon usage du15» avant la fin de l’année.
Si tout le monde ou presque semble content de cette réunion au sommet, il faut encore mettre en musique les décisions de principe arrêtées. C’est là que l’instance de concertation qu’est le nouveau Conamups aura l’occasion de faire ses preuves. Il y faudra de la bonne volonté de part et d’autre. Et de l’argent frais. Charles Descours, pilote en son temps d’une mission sur la PDS, note qu’il «s’agit d’une feuille de route très ambitieuse». Et, comme le rappelle Jean-Paul Hamon, «on ne peut pas douter de la volonté du ministre d’aboutir. Mais s’il a dit qu’il avait de l’argent pour ce dossier, il n’a pas encore sorti son chéquier».
Une MMG ouvre à Boulogne-Billancourt, une autre ferme à Vénissieux
A Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), la municipalité a participé à la création d’une Maison médicale de garde. Cette MMG, qui vient d’ouvrir ses portes, aétécréée en partenariat avec l’Association des médecins de Boulogne-Billancourt (Ambb) et la Croix-Rouge française. Elle assurera désormais les soins ambulatoires courants, c’est-à-dire tous ceux qui ne nécessitent pas la présence d’un plateau technique de type hospitalier. L’accueil est assuré par les médecins généralistes libéraux dans les locaux du centre de soins de la Croix-Rouge française. Fonctionnant sur régulation préalable par le centre 15, les patients y sont accueillis du lundi au samedi, de 20 heures à minuit, et le dimanche, de 8 heures à minuit. Les frais d’investissement et de fonctionnement de la première année d’exercice ont été pris en charge par la ville. Simultanément, dans le Rhône, l’Association des médecins de garde de Vénissieux (Amgv) confirme la fermeture de la Maison médicale de garde de Vénissieux depuis le 30 avril. Selon l’Amgv, «cette fermeture fait suite au refus de l’assurance-maladie de poursuivre le financement du personnel d’accueil les soirs de semaine». Pour le Dr Pascal Dureau, coordonnateur de la Maison médicale, «cette MMG fonctionnait bien et rendait service. On a toujours travaillé en coordination avec l’hôpital et les urgences, mais l’Urcam (union régionale des caisses d’assurance-maladie) n’en tient aucun compte». D’autant, rappelle-t-il, que «les fonds sont disponibles, comme l’a rappelé le ministre de la Santé. Il s’agit donc bien d’un caprice local de l’Urcam». Les responsables de la MMG de Vénissieux mettent désormais tous leurs espoirs dans la médiation du préfet du département, qui devrait les rencontrer d’ici au 15 mai prochain.
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