9-13 juin- Washington
Déjà en 1674, Thomas Wolfe estimait que la cause du diabète était une extrême tristesse. En 1950, Menninger pensait qu’il y avait une personnalité diabétogène. Mais, à partir des années 1970, la communauté scientifique a supposé que le diabète et ses comorbidités étaient responsables de la dépression, et non l’inverse.
Selon Anderson, la prévalence de la dépression (sur la vie entière) passe de 6,8 % dans la population générale à 17,5 % chez les diabétiques (Diabetes Care 2001). Cette coexistence fréquente n’a pas d’explication claire ; plusieurs hypothèses sont avancées. La première est que la dépression engendre une plus grande sédentarité, une certaine anarchie alimentaire, parfois un tabagisme, et une mauvaise observance des conseils d’hygiène de vie et des traitements ; autant de facteurs qui favorisent le développement d’un diabète de type 2. Cette hypothèse est soutenue par plusieurs études d’observation. La deuxième hypothèse est que les antidépresseurs majorent le risque de diabète. Cette notion était déjà connue concernant les antipsychotiques, mais pas les antidépresseurs. Un travail américain (Diabetes Prevention Program Research Group – Rockville), dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité préventive vis-à-vis du diabète de type 2 des modifications de l’hygiène de vie, de la metformine ou d’un placebo, a mis en évidence que le sous-groupe de patients sous antidépresseurs présentait deux ou trois fois plus de diabètes que les autres ; la metformine semblait cependant protéger de ce surrisque. Cependant, cet essai ne permet pas de dire si l’élévation du risque de diabète est due au médicament ou au fait d’être déprimé.
Stress, cortisol et diabète.
Cette dernière éventualité rejoint la troisième hypothèse selon laquelle la dépression, par l’état de stress chronique qu’elle suscite, engendre un hypercorticisme infra-clinique favorable au développement d’un diabète. Plusieurs arguments expérimentaux et biologiques plaident pour ce mécanisme physiopathologique. Des modèles expérimentaux de dépression chez l’animal mettent en évidence : une augmentation du volume des surrénales, une élévation du cortisol urinaire des 24 heures et une perte du freinage du cortisol par la dexaméthasone. Or des anomalies de ce type sont observées chez les patients diabétiques ou présentant une obésité abdominale : l’IMC, l’adiposité et la PA sont corrélés avec le volume des surrénales ; le tour de taille et un HDL bas sont corrélés avec un test à la dexaméthasone perturbé. L’éventualité que le diabète soit la cause, et la dépression, la conséquence, n’est pas non plus à écarter. Le diabète est responsable de complications sévères – coronaropathies, cécité, insuffisance rénale, amputation – qui altèrent gravement la qualité de vie et peuvent mettre en jeu le pronostic vital ; autant de paramètres qui peuvent favoriser une dépression.
Reste à savoir si le trouble métabolique est par lui-même un facteur de dépression. Une équipe d’Atlanta (Lawrence S. Phillips) a cherché à déterminer si l’intolérance au glucose (précédant le diabète) augmentait le risque de dépression ; cela avant que l’altération de la qualité de vie n’intervienne. Une population de 443 patients intolérants au glucose (parmi lesquels 14 % recevaient des antidépresseurs) a rempli un questionnaire de qualité de vie (Patient Health Questionnaire) incluant des items relatifs à la dépression. Les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative des scores PHQ entre les patients intolérants au glucose, les diabétiques et les sujets normoglycémiques. En revanche, les personnes traitées pour dépression avaient un score PHQ significativement plus élevé que les autres (p < 0,0001). Après ajustement sur l’âge, le poids (IMC), le sexe et l’ethnie, l’intolérance au glucose n’avait pas d’impact sur les critères de dépression. Il semblerait donc que ce soit le caractère chronique et invalidant du diabète qui favorise la dépression et non pas le trouble métabolique lui-même.
Des conséquences pratiques.
En réalité, peu importe de savoir qui de la dépression ou du diabète a engendré l’autre ; en revanche, les comorbidités des deux pathologies peuvent rendre plus complexe leur prise en charge. La dépression interfère sur les capacités d’autogestion du diabète et diminue d’adhésion aux mesures hygiéno-diététiques et aux traitements.
Une équipe américaine (R. Glasgow et al. Denver) a fait passer des tests d’aptitude à résoudre un problème à 507 patients dia- bétiques. Il s’est avéré que les patients remportant les meilleurs scores géraient mieux que les autres leur maladie : ils pratiquaient davantage d’activité physique, consommaient moins de calories et avaient un meilleur contrôle glycémique et lipidique. Les résultats de ces tests étaient par ailleurs corrélés avec les symptômes de dépression : les moins déprimés ayant les meilleurs résultats. «Les interrelations entre diabète et dépression étant nombreuses et étroites, il faut tenir compte des répercussions de ces deux pathologies dans la prise en charge des patients», a conclu Sherita H. Golden.
D’après la communication de Sherita H. Golden (Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore)
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