Journées de neurologie de langue française Marseille, 27-30 avril 2005

Attention au coeur et au rachis cervical

Publié le 19/05/2005
Article réservé aux abonnés

Accidents neurologiques de la plongée

LA PLONGEE expose à deux grands types d'accidents neurologiques, encéphaliques et médullaires, qui répondent à des mécanismes physiopathologiques différents. Les accidents cérébraux sont d'origine artérielle. Ils résultent d'un dégazage qui se produit dans la circulation veineuse, mais avec un passage des bulles dans les artères à destination cérébrale via un shunt droite-gauche, le plus souvent intracardiaque à travers un foramen ovale perméable, parfois par un shunt pulmonaire. Les accidents médullaires de désaturation sont la conséquence d'une stase veineuse. Le dégazage veineux submerge la capacité d'épuration en bulles par les poumons, entraînant en amont une stase au niveau du drainage veineux médullaire. Les atteintes médullaires peuvent être favorisées par la compression locale de la moelle par une hernie discale ou un canal cervical étroit.
A côté de ces mécanismes d'origine vasculaire, il existe aussi vraisemblablement un dégazage tissulaire, à l'échelle microscopique, qui est beaucoup moins connu. Ces phénomènes tissulaires, à la fois inflammatoires et cytotoxiques, jouent un rôle important dans « la maladie de décompression », troisième complication neurologique de la plongée.

Evolution paradoxale.
Sur le plan clinique, les accidents encéphaliques se manifestent habituellement d'emblée par une symptomatologie franche, comportant des signes hémicorporels (hémiparésie, hémiplégie), des convulsions, des troubles de la conscience, etc., qui conduisent à la mise en route rapide d'un traitement en caisson hyperbare. En revanche, les patients ayant une atteinte de la moelle épinière peuvent présenter des signes minimes de type paresthésies cutanées (« puces » ou skin bends), qui cèdent habituellement sous oxygénothérapie. Cette apparente banalité est trompeuse. On sait, en effet, que les accidents médullaires sont plus redoutables que les complications cérébrales, en raison du risque d'évolution vers une maladie de décompression laissant des séquelles neurologiques parfois importantes. Cette évolution péjorative se caractérise par une réapparition et une aggravation des signes après une amélioration initiale, même en cas de traitement bien conduit. Un tableau médullaire s'installe avec des troubles sphinctériens, génito-sexuels et de la marche définitifs. Dans les complications médullaires de la plongée, l'apparition rapide et brutale des signes, à type de douleur rachidienne en coup de poignard, est moins fréquente. Ainsi, comme le résume le Pr Bequet, « les accidents médullaires sont plus fluctuants, mais peuvent avoir un pronostic retardé réservé ».
Aucun facteur prédictif des accidents neurologiques de plongée n'est identifié à ce jour. Ceux-ci surviennent aussi bien chez des néophytes que chez des plongeurs professionnels, y compris chez des plongeurs ayant respecté les tables de remontée. C'est la raison pour laquelle, dans la marine nationale, la présence d'un médecin de plongée est systématique au cours des exercices, explique le Pr Bequet. Les accidents se produisent le plus souvent à des profondeurs moyennes, entre 10 et 50 m. Mais des cas ont aussi été décrits lors de plongées à faible profondeur, de 3 à 6 m. « Au Val-de-Grâce, nous avons vu des accidents de plongée qui étaient survenus dans la Seine et dans des plans d'eau. »

En cas de signes évocateurs.
La prévention des accidents neurologiques de la plongée repose sur le dépistage des sujets à risque du fait de la présence d'un foramen ovale perméable, d'une hernie discale ou d'un canal cervical étroit. « Selon les études et sa taille, le foramen ovale multiplie par 5, voire 10, le risque d'accident encéphalique », souligne le Pr Bequet. Cependant, compte tenu de sa fréquence dans la population générale - environ 20  % -, son dépistage systématique par échographie transthoracique, voire transoesophagienne (ETO), avant de pratiquer la plongée est difficilement envisageable. En revanche, une ETO doit être proposée chez un plongeur, même débutant, qui a eu un symptôme cérébral ou neurosensoriel, aussi minime soit-il. « Lorsqu'un foramen perméable est découvert chez un plongeur professionnel, se pose le problème de sa fermeture par chirurgie ou voie transcutanée. » De même, l'IRM rachidienne et médullaire ne constitue pas un examen indispensable. Elle sera proposée chez les sujets qui ont des signes évocateurs de hernie ou de canal cervical étroit. Enfin, un autre élément est important à considérer, à savoir l'effort physique à la remontée pour se débarrasser des bouteilles. Lorsqu'il est réalisé à glotte fermée, il peut être un facteur déclenchant d'accident médullaire.
Ces notions doivent être connues des médecins généralistes pour la délivrance des certificats de contre-indication à la plongée de loisirs. En cas de doute, ils peuvent référer.

D'après un entretien avec le Pr Daniel Bequet (HIA Val-de-Grâce, Paris), coordonateur de la réunion du groupe de travail des neurologues des hôpitaux des armées.

FABER Catherine

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7753