THEATRE - « Rêve d’automne », de Jon Fosse

Au pays des fantômes

Publié le 01/12/2010
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Crédit photo : P. VICTOR/ARTCOMART

INVITÉ par Henri Loyrette, président du Louvre, grand amateur d’opéra et d’art dramatique, Patrice Chéreau est toujours à l’affiche du musée, notamment par deux expositions et un livre, « Des visages et des corps ». Le Louvre, qu’il a fréquenté très tôt en compagnie de son père peintre, lui a donné envie de revenir au théâtre. Il y a donc présenté, au Salon Denon, « Dans la solitude des champs de coton », de Bernard-Marie Koltès avec Romain Duris (bientôt à l’Atelier), et « Rêve d’automne », de Jon Fosse, qui a constitué un moment extraordinaire d’émotion. Ce spectacle est repris au Théâtre de la Ville après trois représentations à Orléans.

Richard Peduzzi a réinventé le Salon Denon, mais, évidemment, le rapport à l’espace n’est absolument pas le même et l’on ne sait pas encore quel effet fera cette nouvelle disposition. Demeure une pièce puissante et dérangeante qui se déroule dans un cimetière, une intrigue qui mêle les vivants et les morts, étrange pièce déjà créée en France, très typique de l’univers de Jon Fosse, traduit du norvégien par Terje Sinding. Une femme (Valeria Bruni Tedeschi), qui vient de loin (elle parle de l’avion qu’elle a pris), retrouve par hasard dans un cimetière un homme marié qui a été autrefois son amant (Pascal Greggory). Il l’a quittée. Elle est encore blessée. L’épouse, Gry, seule nommée par l’auteur (Marie Bunel), passe par là. Ce jour-là, on enterre la grand-mère de l’homme. Dans la pièce, on ne la voit pas, mais Chéreau la fait surgir en ouverture et elle est fascinante (Michelle Marquais). Les parents de l’homme sont innomés, eux aussi, et joués avec densité (Bulle Ogier et Bernard Verley). Autre personnage que Chéreau fait surgir, l’enfant (Clément Hervieu-Léger au Louvre, puis Alexandre Styker), l’enfant muet qui a absorbé toutes les névroses de cette famille. C’est tout. Presque rien dit ainsi. Mais la manière dont le metteur en scène dirige les interprètes les conduisant au plus profond, au plus douloureux, mêlant les vifs et les morts, la pudeur la plus grande et les gestes les plus éloquents, la manière dont il fait surgir le chant douloureux des âmes, est déchirante.

Théâtre de la Ville (tél. 01.42.74.22.77) du 4 décembre au 25 janvier. À 20 h 30 du mardi au samedi et en matinée le dimanche. Durée : 1 h 40 sans entracte. Une très longue tournée suit, en France et en Europe. Le texte est publié par L’Arche.

A. H.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8867