C'est une union sans précédent sur le sol québécois. Pour la première fois, une coalition de médecins, d'infirmiers et d'étudiants lance un cri d'alarme. À l'appel de l'association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME), une vingtaine d'organisations du milieu de la santé demande au gouvernement d'agir sans plus attendre.
« Nous sommes là pour rappeler que les changements climatiques sont une menace réelle et urgente, même au Québec », explique Claudel Pétrin-Desrosiers, l'une des porte-parole de ce collectif. L'inquiétude de ces infirmières et médecins repose sur leur vécu quotidien et sur des chiffres : au Canada, la pollution atmosphérique tue annuellement 14 000 personnes. Et ce sont « 20 000 personnes qui perdront la vie d'ici 50 ans au Québec », poursuit Claudel Pétrin-Desrosiers.
Périodes de canicule
La pollution n'est pas seule en cause. Les périodes de canicules sont de plus en plus fortes et nombreuses dans la Belle Province. « L'été dernier, il y a eu 86 décès en excès, directement liés à la vague de chaleur, et qui n'auraient pas dû se produire », continue la porte-parole. « Nous avons vécu l'été dernier une situation infernale et personne dans les hôpitaux ne souhaite revivre cela, complète son confrère urgentiste Eric Notebaert, vice-président de l'ACME. Nous recevons aux urgences des cas que nous n'avions pas vingt ans plus tôt. Ce sont les personnes âgées les plus vulnérables, mais aussi les populations défavorisées. Cela met un stress supplémentaire dans les salles d'urgence. »
Les services médicaux observent aussi les cas de maladie de Lyme se multiplier nettement : de 32 enregistrés en 2011 au Québec, ils sont passés à 301 en 2018. Ou encore des cas d'asthme, de plus en plus fréquents, qui représentent aujourd'hui 30 % des hospitalisations infantiles.
De manière plus générale, la coalition s'inquiète de voir apparaître « des retards de croissance chez les bébés, et des malformations neurologiques au niveau cérébral de plus en plus importantes », poursuit le Dr Notebaert. « Il faut agir, c'est maintenant ou jamais. C’est un véritable “code bleu” qui est lancé, comme ce qu’on crie aux urgences lorsqu’un patient tombe en arrêt cardiaque ! » renchérit Claudel Pétrin-Desrosiers.
Un défi de formation
Le cri d'alarme du milieu médical semble d'autant plus sincère que les professionnels de la santé ne se sentent pas toujours suffisamment armés pour assumer ces nouveaux défis. « En tant qu'étudiant en médecine, nous sommes de plus en plus inquiets : notre système de santé́ ne semble pas prêt à faire face à l'urgence », remarque Roxane Saint-Pierre Alain. « Il va falloir revoir les processus de formation des étudiants », estime le Dr Claudel Pétrin-Desrosiers.
Dans leur plaidoyer, ces professionnels demandent au gouvernement la réduction drastique de la dépendance aux énergies fossiles (« neutralité carbone en 2050 ») ou encore une bonification des enveloppes financières destinées à la santé. Comme le dénonce Sylvain Lirette, de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé́ & Services sociaux : « Il nous apparaît impératif de consacrer davantage à la prévention au lieu de bêtement tout miser sur les seules approches curatives. La santé publique, avec une maigre augmentation budgétaire de 1,3 % cette année, ne pourra même pas maintenir le niveau actuel de ses services au Québec ».
Cette action collective a été lancée en avril, dans le sillon d'un mouvement populaire au Québec intitulé « La planète s'invite au parlement ». Depuis, plusieurs conférences de presse ont déjà été organisées. Alors que se joueront à l'automne les élections fédérales, les professionnels de la santé veulent être « médiatiquement » présents sur le terrain, dans une actualité de circonstance. Début mai, des inondations sans précédent ont sévi au Québec (plus de 10 000 personnes ont été évacuées). « Ce sont des traumatismes psychologiques qu'il faudra prendre en charge, des soutiens qu'il faut être en mesure de savoir apporter dans l'urgence auprès des enfants et des adultes. Nous devrons être mieux formés », clament les représentants des étudiants.
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