Bestiaire

Les animaux sont-ils des hommes comme les autres ? À lire Jules Renard, et ses croquis qui, au moyen de quelques mots bien sentis, en capturent la singularité, ils ont pour le moins un avantage évident sur tous les bipèdes rencontrés au coin d’une rue, l’humour. Exercice de style, décrire par exemple la vie d’un escargot : avec l’auteur de Poil de carotte, cela donne « il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue ». Avec de tels portraits, a-t-on encore besoin d’images ? Sûrement pas, mais lorsque ce bestiaire est illustré par Toulouse-Lautrec, le regard s’envole. Il n’y a jamais ici redondance entre les mots et les dess(e)ins, le verbe et le trait qui fuse. Domine plutôt une économie de moyens, une retenue. Au final, cela donne un original livre d’art, où le texte pour une fois est aussi important que l’image. D’autant que cette édition est la reproduction en fac-similé de l’exemplaire dédicacé par l’auteur à Lucien Guitry, augmentée de monologues et dialogues manuscrits.

Exemple :

« Le rosier- ah ! ce vent !/ Le tuteur-Je suis là./ La rose-Me trouves-tu belle ?/ Le frelon- Il faudrait voir les dessous/ La Rose- Entre. »

Ce livre, on l’aura compris, est une belle invitation au plaisir.