Le dernier avis du CCNE a porté sur le transfert d’embryon après le décès de l’homme, un des sujets débattus lors de la discussion à l’Assemblée nationale de la révision des lois de bioéthique. Quelle est sa position ?
Pr Alain Grimfeld. Nous avons rendu un avis sur cette question suite à une saisine suivant la procédure habituelle. Le CCNE a rendu un avis favorable au transfert d’embryon après le décès du père car à partir du moment un embryon existe cela suppose l’existence d’un projet parental. Détruire un embryon après le décès du conjoint masculin n’est pas forcément la seule solution éthiquement acceptable. En revanche, nous ne sommes pas en faveur de l’insémination après le décès du conjoint car dans un processus d’assistance médicale à la procréation le projet parental peut être abandonné en cours de route. C’est pourquoi nous avons fait une différence entre les deux situations.
Un autre sujet de polémique est le maintien de l’anonymat du don de gamète. Le CCNE va-t-il également s’exprimer sur ce débat ?
Pr A.G. C’est un avis qui a déjà été rendu il y a pas mal de temps par le CCNE. Nous avions consacré la définition même du don qui est d’être anonyme et gratuit. Nous entendons des demandes d’accès aux origines de la part d’enfants nés du don de gamètes. Ces demandes sont encore minoritaires mais pourraient être à l’avenir plus fréquentes en raison de la possibilité prochaine de séquençage du génome des individus pour des prix de plus en plus bas. Mais cela supposerait qu’on privilégie les origines biologiques au détriment du véritable statut parental. Dans le même temps, il apparaît important de consacrer l’indépendance du donneur vis à vis de cet acte procréatif. C’est pourquoi le CCNE est resté sur sa position.
En matière de diagnostic prénatal, un amendement du député Jean Léonetti prévoit de ne plus rendre systématiques certains dépistages. Est-ce une régression ?
Pr A.G. Le dépistage préimplantatoire ou prénatal se justifie lorsqu’il existe dans la famille des parents une maladie génétique de grande gravité. Mais la systématisation du dépistage de toutes les pathologies comporte des risques de dérives eugéniques, a fortiori, encore une fois, le jour où le séquençage du génome sera accessible au plus grand nombre. Le CCNE préfère un dépistage lorsque les parents le demandent et de manière individuelle. La précision qu’apporte Jean Léonetti a peut-être été mal comprise mais elle est importante. Le véritable enjeu est de diffuser une information beaucoup plus complète aux futurs parents et des soignants.
Le Sénat a récemment examiné une proposition de loi sur l’euthanasie. Même si la question ne fait pas partie du projet de loi, elle pourrait revenir dans les débats. Le CCNE envisage-t-il d’aborder à nouveau la question ?
Pr A.G. Le CCNE ne va pas rediscuter la question de l’exception d’euthanasie, qui avait déjà fait l’objet d’un avis. En revanche, nous préconisons d’abord une meilleure diffusion des éléments d’informations sur la loi sur la fin de vie avant de reprendre ce débat.
La recherche sur l’embryon et les cellules souches se fait en France sous un régime un peu particulier qui est celui de l’interdiction assortie de dérogations. N’est-ce pas une solution hypocrite ?
Pr A.G. Dans notre dernier avis sur la recherche sur l’embryon humain in vitro, nous avons rappelé que cette recherche n’est justifiée que si elle est irremplaçable et qu’il n’y a pas d’alternative. L’interdiction avec dérogation permet d’encadrer les recherches au plus près.
Bizarrement, c’est précisément sur ce sujet que le débat a été le plus vif à l’Assemblée nationale. Pour quelles raisons à votre avis ?
Pr A.G. Il me semble qu’il s’agit plus de postures politiques que de véritables clivages éthiques.
Pour le reste, le consensus français sur les questions de bioéthique, quelque part symbolisé par le CCNE, tient-il toujours ?
Pr A.G. Au CCNE, les discussions sont toujours courtoises avec quelques fois des débats animés. On sent parfois des influences politiques, religieuses, citoyennes ou associatives, sans doute un peu plus qu’avant. Le CCNE est à l’image de la société française. Mais tous ses membres ont pour objectif de cheminer ensemble et de chercher la convergence dans le débat contradictoire. Si un moment les opinions divergent, on le signale. C’est une démarche réflexive qui n’a rien à voir avec celle des sondages. Les citoyens sont présents dans les comités d’éthiques locaux ou régionaux qui ont vocation à se développer.
Désormais les lois de bioéthique ne seront vraisemblablement plus révisées systématiquement tous les cinq ans. Est-ce que c’est une bonne ou mauvaise chose pour le débat ?
Pr A.G. L’évolutivité des connaissances est exponentielle. Ce rythme quinquennal n’y correspondait pas. Mieux vaut une loi cadre claire et lisible mais qui puisse être régulièrement révisée.
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