> Théâtre
IL S'EST FAIT sa tête de clown. Sa tête d'Astor le Magicien et autres personnages qui l'accompagnent depuis des années. Il a les yeux cernés de noir et des larmes bleues coulent sur ses joues creusées de rouge de pitre mélancolique. Jérôme Savary présente à Paris, sur la scène de la salle Favart, un spectacle qu'il a rodé sur les routes de France et même d'Italie en compagnie de l'aînée de ses filles. Occasion pour lui de se souvenir de son extraordinaire parcours, mais aussi de faire la démonstration des talents nombreux de la très jolie Nina Savary.
Ce qui séduit dans cette proposition qui unit tous les arts de la scène et de la piste - la musique, l'acrobatie, le chant, le jeu, l'illusion, la fantaisie, la danse, la magie -, c'est qu'elle est tramée d'un professionnalisme magnifique tout en se donnant, sous les apparences de la précarité, de la fragilité. C'est parce que Jérôme Savary est un artiste sincère, totalement engagé, un homme qui n'aurait jamais pu être autre chose qu'un artiste de la scène. Il est superbement doué, sait absolument tout faire, Savary. Tout. Et c'est bien de cela qu'il s'agit, par-delà le récit d'une vie - d'ailleurs, il dit bien « la » vie, pas seulement la sienne. Une vie que l'on reconnaît pourtant comme unique et comme la sienne puisqu'il en a déjà livré de larges pans dans des livres.
De l'Argentine à la salle Favart.
Bien sûr, ici, la forme du récit est plus complexe, mais lui convient à merveille. C'est bien un magicien. Il a besoin de très peu de choses pour faire surgir de fascinants univers. De l'Argentine de son enfance où son père avait fui les horreurs de l'Europe en croyant aux communautés et aux femmes, jusqu'aux ors de la salle Favart, Jérôme Savary a tout connu et tout expérimenté. Le jazz avec les meilleurs, à New York, l'art du théâtre avec les plus déjantés des Argentins de Paris dans les années 1960-1970, de Victor Garcia à Copi, les responsabilités avec la direction de Chaillot et le passage par les classiques de Molière à Rostand.
Il n'a plus rien à prouver, Jérôme Savary, et il se paie le luxe de se moquer de lui-même. Il est badin, taquin. Et ému devant sa fille, merveilleuse prima donna,prima ballerina, merveilleuse, unique Nina qui a si bien mûri. Elle chante les plus aigus et les plus graves et, de Billie Holliday à David Bowie, elle excelle dans l'art de l'apparition ; et lorsqu'elle se laisse aller à sa nature profonde, on retrouve la sensibilité magnifique de sa mère, Mona Heftre.
Ne ratez pour rien au monde ce moment délicieux, divertissant et magnifiquement mis en images (décors et costumes de Michel Dussarat) et en musique avec Gérard Daguerre, Roland Romanelli, Christian Orante, Jean-Luc Pagni, Bernard Teissier. Une fête chaleureuse, enjouée, amicale. Et du grand art.
Opéra Comique, salle Favart, à 20 h du mardi au samedi; et en matinée le dimanche à 15 h. Durée : 2 h 30 entracte compris. Jusqu'au 24 avril (08.25.00.00.58). Un disque est en vente sur place, qui reprend toutes les chansons du spectacle.
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