Tout se joue-t-il avant trois ans en matière de BPCO ? Les données présentées à Lille lors du dernier Congrès de pneumologie de langue française suggèrent en tout cas que les jeux sont faits bien avant les premiers symptômes de la maladie.
Ainsi, dès la conception, certains facteurs génétiques intervenant sur le développement bronchiolaire, bronchique ou alvéolaire seraient déterminants dans la survenue d’un trouble ventilatoire obstructif ultérieur. « Des polymorphismes des gênes codant pour ADAM 33 (une protéine de remodelage associée à l’asthme et à l’hyperréactivité bronchique, ndlr), ont notamment été incriminés dans l’apparition et ou la sévérité de la bronchopneumopathie chronique obstructive », indique le Dr Isabelle Pin, pneumopédiatre au CHU de Grenoble.
Déterminisme génétique
Des polymorphismes de la Glutathion S tranférase et du TNF alpha interviendraient, par ailleurs, dans la réponse au tabagisme. Outre ce déterminisme génétique, certains événements survenant lors des premières années de la vie, voire pendant la vie fœtale, interfèrent aussi avec la fonction respiratoire ultérieure. En anténatal, différents travaux suggèrent que la prise de certains médicaments comme le paracétamol ou l’aspirine par la mère lors de la grossesse, pourrait favoriser la survenue de troubles obstructifs ultérieurs. Des études ont également mis en évidence un lien entre la croissance fœtale évaluée par le rapport poids-taille à la naissance ou par le périmètre crânien, et la morbidité pulmonaire à l’âge adulte, avec notamment un risque accru de BPCO. De même, l’exposition tabagique in utero a des effets délétères sur la croissance de la fonction respiratoire et majore le risque de sifflements.
Après la naissance, Svanes et coll. ont identifié, dans l’étude ECHRS, plusieurs « désavantages de la petite enfance » à l’origine d’un déficit de la fonction respiratoire. Parmi ces « désavantages », on retrouve l’exposition passive au tabac mais aussi des antécédents maternels ou paternels d’asthme, la survenue d’une infection sévère (type pneumonie) ou, encore, la présence d’un asthme. Pris individuellement chacun de ces éléments entraîne un déficit du volume respiratoire de l’ordre de 95 ml chez le garçon et de 60 ml chez la fille. Ce déficit est encore plus marqué chez les enfants qui cumulent trois désavantages, atteignant jusqu’à -274 et - 208 ml.
Une maladie multifactorielle
Or on sait aujourd’hui que tout déficit de la fonction respiratoire est définitif puisqu’il n’existe pas de phénomène de rattrapage (lire ci-dessous). Tous ces événements de la petite enfance pénalisent donc à vie les sujets qui les ont subis. Ils accélèrent aussi à l’âge adulte le déclin de la fonction respiratoire, déjà amputée. Au total, la présence d’un de ces « désavantages de l’enfance » augmente le risque de BPCO d’un facteur 7 alors que, par comparaison, le tabagisme ne multiplie ce risque que par 3,8.
Mais ces événements de la petite enfance n’expliquent pas tout. « A ces facteurs précoces d’altération de la fonction respiratoire se surajoutent les expositions nocives de l’âge adulte », explique le Dr Pin. Tabagisme actif, bien sûr, mais aussi pollution, contribuent à diminuer encore d’avantage la fonction respiratoire.
Ainsi, la BPCO apparaît plus comme une maladie mutifactorielle que comme le simple fait du tabac. Contrairement aux idées reçues, la BPCO n’est d’ailleurs pas l’apanage des fumeurs puisqu’on estime qu’au moins 20 % des cas surviendraient chez des patients n’ayant jamais fumé. Pour le Dr Yves Grillet (pneumologue à Valence), « ces BPCO du non-fumeur s’expliquent en premier lieu par des expositions professionnelles à des produits pathogènes de mieux en mieux identifiés : poussières minérales (silices et silicates, ciment, charbon), poussières organiques (coton, jute, endotoxine, grain, bois) fumées et vapeurs (combustion, gaz d’échappement) ou encore poussières métalliques. S’y ajoute l’impact potentiel des pollutions domestiques ou environnementales extérieures qui méritent très certainement d’être plus largement étudiées ».
Autant de constats qui invitent à élargir les actions de prévention, en intervenant le plus tôt possible et en ne se limitant plus à la lutte contre le tabagisme actif. Dès la grossesse, l’accent peut être mis sur la prévention des retards de croissance intra-utérins et, surtout, sur la lutte contre le tabagisme passif du fœtus et du jeune enfant.
La question d’un traitement plus agressif de l’asthme de l’enfant par corticoïdes inhalés afin de préserver la fonction respiratoire se pose aussi mêmesi, pour le moment, souligne Isabelle Pin, aucun travail n’a pu mettre en évidence le bénéfice d’une telle stratégie.
Plus tard, la prévention des atteintes pulmonaires professionnelles pourra être renforcée notamment pour les métiers à risque comme les agriculteurs, les mineurs ou, encore, les ouvriers du textile.
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