« Sur les 70 % de femmes qui ne font pas de reconstruction mammaire après une mastectomie, 60 % n’ont pas reçu d’information complète et/ou de qualité, déplore la sénatrice Florence Lassarade (LR), auteure d’un rapport sur le sujet. Pour 9 % de ces femmes, la reconstruction n’a même pas été proposée… »
Délivrer l'information au bon moment
Ce constat a motivé la commission des Affaires sociales du Sénat à porter une proposition de loi visant à « fournir une information aux patientes sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie ». « Beaucoup de patientes, parce qu’elles se focalisent sur leur cancer, se disent mal informées et ne reçoivent qu’une information partielle », observe la sénatrice Catherine Deroche (LR), qui a déposé cette proposition de loi.
Adopté mardi en première lecture, le texte prévoit de modifier le code de Santé publique, relatif aux obligations d’information qui incombent aux médecins. L’objectif ? Renforcer l’information transmise « sur les procédés de chirurgie réparatrice existants, sur leur utilité et leurs conséquences respectives ainsi que sur les risques fréquents ou graves ».
« L’enjeu, relève Florence Lassarade, est de comprendre pourquoi les femmes n’ont pas accès à l’information. La question est notamment de déterminer le moment opportun pour aborder cette option. Lors de l’annonce d’un cancer engageant le pronostic vital, il peut y avoir un effet de sidération et ce n’est alors pas le moment. Nos rencontres avec les associations de patientes, avec des oncopsychiatres et des oncopsychologues, mettent en évidence la nécessité d’un délai avant d’en parler. » Le temps du soin ne serait donc pas celui de l’information. Et ce d’autant que le chirurgien qui effectue la mastectomie n’est pas celui qui va réaliser la reconstruction.
Des avancées en cours
« Étonné » de cette proposition de loi, le Dr Jacques Saboye, vice-président de la Société française de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SoFCPRE), rappelle les efforts réalisés en la matière. « La loi Kouchner de 2002 comprend une partie sur la chirurgie plastique et esthétique et nous impose un devoir d’information renforcée. Il y a plus de 20 ans, nous avons par ailleurs été la première société savante à proposer des fiches d’information exhaustive », insiste celui qui craint un encombrement du parcours de soins si une étape supplémentaire s’y greffait pour un rendez-vous d’information. « Les patientes vivent déjà un parcours du combattant. Le risque pris est celui d’allonger les délais d’attente. »
De son côté, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui ne s’est pas opposée au texte, a souligné que les lacunes dans l’information ne sont pas les seuls obstacles à la reconstruction, évoquant des difficultés d’accès à la reconstruction et son coût. L’hématologue a également émis des réserves sur l’utilité et les conditions concrètes d’application du texte de loi. Lors de l’examen du texte en commission, la ministre a estimé qu’une perspective d’amélioration relevait du « levier des autorisations en cancérologie », en cours de réforme. Ces autorisations permettent de définir les établissements de santé autorisés à prendre en charge des patients atteints de cancer. La question, selon elle, porte sur l’atteinte d’une « masse critique suffisante pour proposer des soins de support, comme des suivis par des oncopsychologues ». Selon elle, le relèvement des seuils d’activité doit permettre d’améliorer la prise en charge et d’harmoniser les pratiques.
Autre point relevé par la ministre, les « avancées » mises en œuvre en faveur de l’accès qui n’ont pas encore produit tous leurs effets. Les actes liés à la reconstruction mammaire ont par exemple été revalorisés dans le cadre du Plan cancer 2014-2019 pour réduire le reste à charge. Le Plan cancer doit également déboucher sur l’identification de « parcours à tarif opposable » dans chaque région. Saluées par les membres de la commission des affaires sociales, ces pistes n’ont pas complètement convaincu. « La ministre a raison, mais on ne sait pas quand ces dispositions seront effectives. Or, les femmes ne peuvent pas attendre. Cette loi est partielle, mais elle permet d’avancer », conclut Catherine Deroche.
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