LA PRISE EN CHARGE d'un coronarien est fondée sur la notion de facteur de risque. Cette idée est née à la suite de l'enquête épidémiologique qui porte sur 5 000 habitants volontaires de la ville de Framingham et qui a commencé en 1948. Cette étude a permis d'affirmer que le risque cardio-vasculaire varie en fonction d'un certain nombre de paramètres, comme le niveau de pression artérielle et celui des paramètres lipidiques. Des équations issues de l'étude de Framingham ont été élaborées pour permettre de préciser l'ampleur du risque en fonction des paramètres ainsi identifiés.
Quantifier le risque coronarien.
Les outils de calcul du risque ont ainsi été longtemps élaborés à partir de données nord-américaines. La transposition de cette évaluation du risque à des populations différentes est susceptible de générer des inadéquations. En effet, il a été montré que la grille de risque dérivée de l'étude Framingham surestime le risque des patients de Grande-Bretagne. S. Bastuji-Garin et coll. ont également montré en 2002 que cette même équation n'est pas adaptée à la prévision des complications cardio-vasculaires au sein de la population de l'étude Insight, réalisée dans huit pays européens et en Israël. Les outils validés élaborés à partir de données portant sur la population française ayant longtemps fait défaut, le modèle issu de l'étude Framingham a été adapté aux conditions françaises en 1994. Cette adaptation a été rendue possible grâce à une étude épidémiologique réalisée en Ile-de-France, Prévention cardio-vasculaire en médecine du travail (PCV Métra).
Afin d'adapter les grilles de calcul du risque cardio-vasculaire aux données épidémiologiques de la population européenne, la Société européenne de cardiologie a mis en place le projet européen Score (Systematic Coronary Risk Evaluation). Ce projet a été établi à partir des données d'études épidémiologiques réalisées en Europe, comme les études Procam (Prospective Cardiovascular Munster Study) pour l'Allemagne ou PPS (Prospective Paris Study) pour la France. Douze études épidémiologiques ont été choisies. Elles portent sur un total de 205 178 sujets et représentent un suivi global de 2,7 millions de personnes/années. Les auteurs ont mis au point deux grilles de risque, l'une pour les pays d'Europe du Nord, dont le risque cardio-vasculaire est plus élevé, et l'autre pour les pays d'Europe du Sud, dont la France, dans lesquels le risque cardio-vasculaire est plus faible. Ces grilles permettent de calculer un risque global à partir de l'âge du patient, de son sexe, de son statut tabagique, de sa cholestérolémie totale et de son niveau de pression artérielle systolique.
Il est, bien entendu, possible de calculer le risque des patients en consultant les tableaux publiés dans l'« European Heart Journal » en 2003. Ils sont disponibles gratuitement sur le site du journal (eurheartj.oupjournals.org) et sur celui de la Société européenne de cardiologie (www.escardio.org, lien « ESC Guidelines »).
La mise à disposition d'une réglette de calcul constitue une démarche qui facilite la détermination du risque auquel chaque patient est le plus exposé.
L [212]applicabilité de cet outil disponible en médecine ambulatoire devrait être évaluée dans le cadre d'une médecine fondée sur le niveau de preuve.
Les chiffres tensionnels, reflet du risque vasculaire.
L'étude multicentrique française Lhycorne (L'hypertendu coronarien en médecine générale) a été mise au point afin de préciser les facteurs de risque de différentes catégories de patients. Elle a pour objectif d'évaluer le profil de risque cardio-vasculaire d'hypertendus coronariens avérés. Dans cet objectif, 206 médecins généralistes ont recruté chacun 3 hypertendus ayant une insuffisance coronaire attestée par des examens spécialisés. Au total, 595 patients, dont 75 % d'hommes, ont été recrutés. Ils avaient un âge moyen de 66 ans et 90 % d'entre eux avaient plus de deux facteurs de risque. Près d'un malade sur deux avait un antécédent d'infarctus myocardique et 38 % avaient un angor stable. L'objectif de l'analyse a été de comparer les données des patients selon que leur maladie hypertensive était contrôlée ou non.
Une fréquence plus élevée des antécédents d'infarctus myocardique a été constatée chez les hypertendus dont les chiffres tensionnels étaient bien contrôlés, la fréquence des antécédents d'angor étant plus faible.
Dans le cadre de la prévention secondaire, une réduction du taux de LDL cholestérol jusqu'à la valeur de 1,3 g/l a été plus fréquemment possible chez les hypertendus contrôlés que chez ceux qui ne l'étaient pas. Ils étaient plus fréquemment pris en charge par une molécule hypolipémiante appartenant à la classe des statines.
Ainsi, les conclusions de l'étude Lhycorne montrent que, chez les hypertendus coronariens, le contrôle de la pression artérielle est le reflet de la prise en charge du risque cardio-vasculaire, y compris chez ceux qui ont des antécédents d'infarctus myocardique.
Prise en charge du coronarien stable.
La régression de la mortalité d'origine coronaire est en rapport avec une meilleure prise en charge des accidents aigus et une prévention secondaire plus efficace. Chez des patients ayant un angor stable, l'aspirine à faible dose réduit la survenue d'événements coronaires majeurs, en particulier d'infarctus et de mort subite, d'environ 33 %, comme l'a montré une métaanalyse publiée dans le « British Medical Journal » en 2002.
L'efficacité des bêtabloquants a été bien démontrée dans l'infarctus, le postinfarctus et l'angor instable. L'efficacité de cette classe thérapeutique explique que l'American College of Cardiology et de l'American Heart Association la recommandent chez le coronarien stable. Quant aux statines, l'étude HPS (Heart Protection Study) a apporté la preuve de leur efficacité dans la réduction des événements coronaires majeurs en prévention secondaire chez des patients ayant ou non une hypercholestérolémie.
L'intérêt des inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez le coronarien stable était suspecté sur des arguments à la fois cliniques et expérimentaux. Des données cliniques indirectes étaient issues de l'étude de patients présentant une insuffisance cardiaque, comme dans l'étude Solvd (Studies of Left Ventricular Dysfunction), ou après un accident vasculaire cérébral, comme dans l'étude Progress (Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study). Elles indiquaient que les IEC diminuent la survenue d'infarctus myocardique d'environ 25 %, c'est-à-dire davantage que ce que la seule diminution de la pression artérielle permettait d'espérer. De nombreux travaux expérimentaux étayent l'hypothèse d'une action anti-ischémique des IEC, comme ceux de R. Ferrari et coll. publiés dans l'« European Heart Journal » dès 1998. Ces données montrent notamment que le périndopril, qui a été utilisé dans l'étude Europa, améliore la fonction endothéliale, réduit la fibrose et le remodelage vasculaire, exerce un effet antiprolifératif, antithrombotique et, au total, qu'il exerce une action antiathérogène.
L'étude Hope (Heart Outcomes Prevention Evaluation), publiée en 2000, avait montré que le traitement des patients à haut risque cardio-vasculaire par le ramipril à forte dose diminuait la fréquence des événements cardio-vasculaires majeurs de 22 % à cinq ans. Toutefois, cette étude ne concernait pas spécifiquement les coronariens stables et les traitements associés étaient peu prescrits.
Un bénéfice indiscutable du périndopril.
L'étude Europa (European trial on Reduction of Cardiac Events with Perindopril in Stable Coronary Artery Disease), publiée dans « The Lancet » en 2003, a donc été réalisée afin de préciser le bénéfice du traitement par IEC dans ce contexte. Il s'est agi d'une étude multicentrique randomisée en double insu. Elle a porté sur 12 218 patients de plus de 18 ans, d'un âge moyen de 60 ans, dont 12 % de diabétiques, qui avaient une maladie coronaire avérée stable, sans signes cliniques d'insuffisance cardiaque. Les malades ont aléatoirement été assignés soit au périndopril à la dose de 8 mg, soit à un placebo pendant une durée de 3,9 ans. Le critère de jugement principal de l'étude, composite, a associé la mortalité cardio-vasculaire, la survenue des infarctus du myocarde non fatals et les arrêts cardiaques non fatals.
Ce critère principal a été observé chez 8 % des malades sous traitement actif et chez 9,9 % des patients sous placebo, ce qui correspond à une réduction de 20 % des événements (p = 0,0003). La réduction a été observée dans tous les sous-groupes de patients. Le bénéfice a été mis en évidence, alors que les traitements associés étaient optimisés et que la population était à risque cardio-vasculaire faible, la mortalité annuelle dans le groupe placebo ayant été de 1,6 %. Le traitement a été très bien toléré. Ces données confirment le point d'impact du périndopril, tout particulièrement sur la réduction de l'inflammation, l'amélioration de la fonction endothéliale et la stabilisation de la plaque d'athérome.
La prescription de périndopril à la dose de 8 mg/j permet d'éviter un événement cardio-vasculaire (décès, infarctus ou arrêt cardiaque) pour 50 patients traités pendant quatre ans. L'étude Europa confirme ainsi le bénéfice de la prescription d'un IEC, le périndopril, à forte dose chez des patients coronariens stables à faible risque.
L'étude Persuade (Perindopril Substudy in Coronary Artery Disease and Diabetes) a montré que le bénéfice du traitement par périndopril est conservé chez les 1 502 diabétiques de l'étude Europa, qui sont des patients à risque cardio-vasculaire élevé. Leur risque relatif d'événement cardio-vasculaire (décès, infarctus ou arrêt cardiaque) est diminué de 19 % par le traitement, celui des infarctus fatals ou non de 23 % et celui d'insuffisance cardiaque de 46 %.
D'après les communications de la journée d'Amphi en cardiologie « Du risque cardio-vasculaire à la prise en charge du coronarien : ce qui a changé », présidée par le Pr Michel Bertrand.
L'ordonnance du coronarien stable : « Basic »
Les traitements à visée cardio-vasculaire ne devraient plus être déterminés par la considération d'un paramètre donné, comme le niveau de pression artérielle ou du cholestérol, mais par le niveau du risque cardio-vasculaire global de chaque sujet. En effet, comme l'a montré l'étude Caprie (Clopidogrel versus Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events), publiée en 1996 dans « The Lancet », environ 26 % des patients avaient une pathologie artérielle ischémique touchant au moins deux sites vasculaires, cérébral, coronaire et/ou artériel périphérique. De plus, 11,8 % des patients avaient une artériopathie périphérique associée à une coronaropathie, 7,4 % avaient simultanément une coronaropathie et une atteinte cérébro-vasculaire et 3,3 % avaient une athérothrombose concernant les trois sites vasculaires, cérébral, coronaire et périphérique.
Le périndopril fait ainsi partie intégrante du traitement du coronarien « tout venant », ou traitement Basic (bêtabloquants, antiagrégants, statines, IEC, contrôle des facteurs de risque). Comme l'ont montré D. Mukherjee et coll. (Ann Arbor, Michigan) en 2004 dans la revue « Circulation », le bénéfice du traitement par ces quatre classes thérapeutiques est incrémentiel.
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