Désigné haut la main dimanche soir candidat des socialistes à la présidentielle, Benoît Hamon révolutionnerait-il la santé s'il arrivait au pouvoir ? Il introduirait en tout cas quelques changements de fond, même si, sur ce versant santé, il n'était sans doute pas le plus audacieux des postulants de la primaire. Sa plateforme santé se traduirait en tout cas par plus de principe de précaution au plan santé publique, plus de libéralisme sur les sujets santé-société, plus de droits -sociaux et sociétaux- pour les patients, plus de personnels de santé,.. et sans doute plus de déficit aussi !
Réguler les installations
Les médecins libéraux seront d'abord concernés par ses remèdes de choc pour les déserts médicaux. A commencer par le plus emblématique : le conventionnement sélectif. "Je lutterai contre les déserts médicaux en retirant le conventionnement aux médecins qui s’installent en zone surdotée", explique-t-il dans sa plateforme, assurant que "cette mesure n’entrave en rien la liberté d’installation du médecin, qui peut toujours choisir de s’y installer : il ne bénéficiera simplement plus du conventionnement."
Au-delà, Benoît Hamon promet le développement de maisons de santé pluridisciplinaires rassemblant des médecins libéraux, qui seraient aidés en cela par une société de services pour les fonctions support. Mi décembre, en présentant son projet de santé, le candidat a donné des détails sur l'instrument central qu'il créerait pour faire reculer les déserts médicaux : une "mission nationale d'accès aux soins" qui serait intégrée aux ARS, disposant d'un budget spécifique et de personnels dédiés. Objectif de cette task force sanitaire : "informer, coordonner, et faciliter l'installation de médecins dans les zones où la demande est forte", explique Benoit Hamon. Au-delà, elle apporterait aussi une aide aux médecins qui s'installent dans les déserts médicaux : trouver un travail pour le conjoint, aide au logement, école pour les enfants, obtention d'un prêt à taux zéro pour l'achat de matériel médical…
Autre concept original chez Hamon : la "création du médecin généraliste ville/hôpital" qui "assurerait les consultations au sein d'un hôpital et au sein d'un cabinet dans une zone sous-dotée" en médecins. Mais on ignore au juste quel serait le statut de ce médecin hybride…
La régulation de l'installation est la principale audace de Benoit Hamon concernant la médecine de ville, qu'il partageait d'ailleurs avec son concurrent du deuxième tour de cette primaire. Sur le contrôle des dépassements d'honoraires, il n'est en revanche pas allé aussi loin que Manuel Valls qui souhaitait les interdire. Et sur la rémunération des généralistes, il n'a pas proposé comme Arnaud Montebourg le salariat dans des dispensaires… Peut-être sera-t-il amené à donner des précisions sur son programme dans les mois à venir.
De nouvelles aides à la complémentaire santé
En fait, ses préoccupations vont surtout au bien-être des assurés. En décembre, il a ainsi estimé que la Sécurité sociale devait "davantage rembourser, notamment en matière de soins dentaires". A l'inverse, il préconise une "approche rigoureuse sur les médicaments de confort (...) là où le bénéfice de santé est marginal". Son programme santé évoque "un droit à la santé universel, indépendamment du statut professionnel ou personnel de chacun". En pratique, il se fait fort de distribuer les aides à l’accès aux complémentaires santé à tous : fonctionnaires, les retraités, étudiants et chômeurs de longue durée. Un coup de pouce à la couverture complémentaire, mais pas de rupture, donc avec le modèle actuel faisant coexister assurances maladies obligatoires et complémentaires.
L'hôpital en priorité
Benoit Hamon conforterait aussi le service public. "L'attachement au maintien de services publics de qualité sur tout le territoire est au cœur de mon projet", assurait-il en octobre dernier. Ajoutant qu' il y a "urgence à recruter dans certains secteurs : l'éducation, la santé, la petite enfance, la prise en charge de la dépendance. Par ailleurs, l'ancien ministre de l'Economie sociale et solidaire souhaite que "l'on repense l'organisation du travail" au sein des hôpitaux "pour lutter contre les journées interminables".
Avec des tels axes, on comprend que le dogme de l'équilibre avancé par François Fillon ne soit pas trop sa tasse de thé : concernant le financement de la Sécu, il s'est dit "contre indexer les politiques de santé sur l'équilibre des comptes". Tout au plus a-t-il appelé à mettre "fin aux politiques inutiles d'allégement de cotisations sociales qui ne sont jamais intégralement compensées par l'Etat".
Mais l'originalité principale du programme Hamon tient aussi à sa dimension écologique et qualité de vie. Sur la santé, cela se traduit de plusieurs façons. A commencer par l'interdiction " immédiatement" des pesticides dangereux et des perturbateurs endocriniens : "J’appliquerai le principe de précaution : je retirerai les autorisations de tous les pesticides dangereux et j’interdirai l’importation des denrées alimentaires utilisant une substance interdite en France, promet-il.
Le plus vert des socialistes
L'ancien ministre de l'Education veut également "encourager les comportements bénéfiques" pour la santé. Parmi ses mesures, la "mise en place d'un grand plan national sport et santé" qui passerait par le "remboursement par la sécurité sociale de la pratique sportive quand elle est prescrite par les médecins et adaptée pour les maladies chroniques". Il s'est prononcé pour "le développement des centres certifiés sport et santé qui sécuriseront la pratique efficace et encadrée d'une activité physique régulière chez les patients". "Nous soutiendrons entreprises et administrations qui installent des salles de sport pour les employés et nous engagerons un grand plan dans les services publics et les administrations afin que les fonctionnaires soient concernés par ce programme", assure-t-il encore.
Ce n'est pas tout : depuis plusieurs mois, sa croisade est la reconnaissance du burn-out comme une maladie professionnelle. Un cheval de bataille qui se retrouve évidemment dans son programme présidentiel, qui propose par ailleurs un nouveau "droit à la déconnexion" pour tous les salariés, Hamon dépeignant les smart phones et autres ordinateurs portables comme de véritables "laisses électroniques" pour humains…
Libéral sur les réformes de société
C'est enfin par son libéralisme sociétal, que le député PS des Yvelines s'est démarqué de ses concurrents à gauche.. Sur le cannabis, "il faut légaliser, et pas seulement dépénaliser, pour "tuer ces trafics" qui sont une "vraie gangrène", martèle-t-il. "Ce qui fait qu'aujourd'hui ces bandes prospèrent (...), c'est l'économie du cannabis", a expliqué l'ex-ministre sur France info en octobre dernier. "S'il n'y a pas de légalisation, c’est-à-dire si on ne casse pas ces économies parallèles, nous ne reprendrons pas la main (...) Si on veut ramener la République (sur les lieux de trafic), il faut en passer par là", insiste-t-il.
Il fait aussi du droit à l'euthanasie une réforme essentielle. Contrastant avec la prudence de François Hollande sur le sujet, Benoit Hamon se montre assez jusqu'auboutiste, préconisant "une aide médicale pour mourir dans la dignité pour toutes les personnes atteintes d’une maladie incurable qui le demandent, au moment où elles le demandent."
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